Avec le réchauffement climatique, la langue arctique perd ses mots

Avec le réchauffement climatique, la langue arctique perd ses mots
Avec le réchauffement climatique, la langue arctique perd ses mots

La neige fond, et avec elle certains mots. La langue des Samis connaît de profondes modifications, rapporte la BBC.

Alors que le réchauffement climatique se poursuit à un rythme inédit, ses conséquences sont particulièrement visibles en «Sápmi» («Laponie» dans la langue same), la patrie arctique traditionnelle des Samis, dont la région se réchauffe quatre fois plus vite que le reste de la Terre. Avec la hausse des températures, les écosystèmes arctiques tels que l’élevage de rennes et la pêche, dont dépendent les Samis, ont été modifiés. Et avec eux, nombre de mots de leur langue, relate un article de la BBC. De fait, la langue same possède plus de 300 mots pour qualifier la neige, huit mots pour décrire les différentes saisons et six mots différents pour décrire les rennes errant seuls.

À découvrir

Les langues sami sont étroitement liées au mode de vie des peuples autochtones sami de Norvège, de Suède, de Finlande et de Russie. Les Samis, qui ont fait face à l’environnement extrême de l’Arctique pendant des milliers d’années, sont aujourd’hui entre 50.000 et 100.000 personnes. Ils ont un lien viscéral avec leurs langues, «hautement spécialisées» pour leurs activités traditionnelles, telles que la pêche et l’élevage de rennes, ainsi que pour l’observation et la description des conditions météorologiques dans l’Arctique. Leurs langues vont du sami du Nord, largement parlé avec plus de 20.000 locuteurs, au sami Ume, plus rare et parlé par seulement 25 personnes, en passant par le «ter sami» qui a presque disparu de nos jours en Russie.

Plus de 300 mots pour décrire la neige

«Les Samis parlent beaucoup du changement climatique, en particulier les éleveurs de rennes», explique à la BBC Klemetti Näkkäläjärvi, président du Sami Climate Council et chercheur à l’Université d’Helsinki et celle d’Oulu, en Finlande. Pour ces derniers, l’état de la neige est un indicateur crucial afin de connaître les conditions d’alimentation des rennes. «Toute la terminologie faisant référence à de bonnes conditions nutritionnelles pour les rennes en hiver est rarement utilisée de nos jours», continue le chercheur. Le mot sami du Nord «ealát», qui fait référence à la «neige meuble» permettant aux rennes «de creuser pour trouver du lichen nutritif sans qu’une couche de glace ne les gêne», est aujourd’hui en voie de disparition.

«[Le mot] fait référence à la neige, la glace et à l’état nutritionnel», précise Klemetti Näkkäläjärvi. Or, les conditions pour identifier les bonnes conditions nutritionnelles des rennes se sont corsées ces dernières années avec l’avènement de températures plus chaudes qui ont entraîné davantage d’épisodes de pluie sur neige, souvent suivis d’une vague de froid glacial. Résultat, cela créé une neige dure avec de la glace sur le dessus et des couches de glace à l’intérieur. Ce qui empêche les rennes d’accéder au lichen dont ils se nourrissent car ils ne peuvent creuser la glace.

Le terme «ealát» illustre «assez bien le lien entre la culture et la langue : il faut un mot en sami pour décrire les conditions, mais trois phrases ou plus en anglais», indique-t-il. Les chercheurs ont étudié les connaissances des éleveurs de rennes sami sur la neige et la glace : ils ont trouvé plus de 300 mots dans les langues sami qui décrivent différents types de neige, de glace et de conditions de neige. Avec l’avènement d’hivers plus doux et les températures fluctuantes de ces dernières années, certains de ces mots sont de plus en plus utilisés comme «suttádat», «njáhcu» ou encore «sievlladat» qui font référence à un hiver chaud lorsque la neige commence à fondre. Les mots de neige, décrivant un temps plus froid, ont tendance à disparaître. «Jassa signifie “neige persistante” dans les collines ou les hauts plateaux en été, explique le chercheur. En “Sápmi” finlandais, il ne reste que quelques endroits où il y a du jassa.»

Avec la modification de l’état de la neige, les empreintes d’animaux comme les rennes s’estompent dans certaines régions. Sans ces précieuses connaissances apportées par les traces dans la neige, il est désormais plus difficile pour les éleveurs de rennes d’identifier les rennes qui ont fui le troupeau («ruvggaldat»), les rennes effrayés («hiras») ou les rennes qui ont tendance à errer seuls («duoddil», «jadas», «linka», «hilbesboazu», «meahcehas» ou «loavsku»). Il existe également plusieurs mots pour désigner les «rennes effrayés», en fonction de leur sexe ou âge. «Si le besoin d’utiliser certains termes disparaît, ou si les gens arrêtent de les utiliser parce qu’ils ne peuvent plus identifier les traces, les mots peuvent disparaître sans qu’ils s’en aperçoivent», remarque Klemetti Näkkäläjärvi.

Changement des saisons

Un autre mot est également en voie de disparition, selon le traducteur et entrepreneur touristique d’Utsjoki (dans l’extrême nord de la Finlande), Pentti Pieski, passionné de pêche. Il s’agit du terme «jieknaguolli» pour désigner le saumon au printemps, qui apparaît immédiatement après la débâcle de la glace sur la rivière. En raison du déclin du saumon – toujours lié au changement climatique, la saison de pêche officielle a été raccourcie pour commencer, seulement, le 1er juin. La glace a déjà disparu depuis longtemps et les pêcheurs sami n’ont aucune chance de voir apparaître les fameux saumons «du début du printemps».

De plus, remarque Pentti Pieski, des saisons entières commencent à disparaître du langage. «Dans le nord de la Laponie, il y a vingt ans, nous évoquions huit saisons, raconte-t-il. L’une d’entre elles, le “printemps-été” n’a plus lieu chaque année, donc les gens pourraient arrêter de le mentionner et ce terme disparaîtra probablement à l’avenir.» Et, à mesure que le paysage change sous l’influence du changement climatique, les lieux ne correspondent plus aux noms traditionnels sami.

La plupart de ces mots dérivent de la nature et reflétaient par exemple la forme du terrain ou la végétation prédominante. Cela donnait, jusqu’à présent, un avantage crucial aux peuples autochtones pour évoluer dans le paysage en s’appuyant sur les connaissances des générations précédentes. Ces dernières ont transmis des informations importantes sur ces lieux à travers leurs noms. Désormais, les forêts et arbustes se déplacent plus au nord et plus haut dans les régions montagneuses.

«Je crains de perdre les connaissances traditionnelles des Samis en matière de pêche au saumon. Nous avons déjà perdu une grande partie de la langue», déplore Pentti Pieski. De nouveaux mots se sont ajoutés. «Le changement climatique est un nouveau mot en sami du nord : il s’agit de “dálkkádatrievdan”, indique Klemetti Näkkäläjärvi. Il est couramment utilisé de nos jours.»

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