Comment l’intelligence numérique peut soutenir la transition vers une économie circulaire

Comment l’intelligence numérique peut soutenir la transition vers une économie circulaire
Comment l’intelligence numérique peut soutenir la transition vers une économie circulaire

En 2021, nous avons extrait environ 100 milliards de tonnes de ressources naturelles pour satisfaire à nos besoins économiques. Ce tonnage est l’équivalent d’un gratte-ciel aussi haut que la tour Ville-Marie et faisant de façon continue le tour de l’équateur.

Notre modèle économique linéaire est essentiellement fondé sur l’extraction de matières premières et la fabrication de produits commercialisés à large échelle et jetés une fois consommés. Ce modèle génère des pressions sur la disponibilité des ressources, sur les milieux naturels et sur les écosystèmes. De plus, elle est l’une des causes de l’atteinte des limites planétaires.

Vers une économie circulaire

En rupture avec ce modèle, l’économie circulaire vise à accroître l’utilisation des produits personnels et collectifs, à prolonger leur durée de vie utile et à favoriser la réutilisation de la matière qui les compose. Cette approche est particulièrement pertinente lorsque les produits sont sous-utilisés. Par exemple, 80 % de nos vêtements sont utilisés moins d’une fois par an.

Or, l’économie circulaire peut elle-même engendrer des conséquences inattendues et négatives, communément appelées « effets rebonds ». Le plastique, largement considéré comme un mal aujourd’hui, semblait en effet une excellente idée dans les années 1950.

Schéma de l’économie circulaire

Schéma de l’économie circulaire employée actuellement au Québec. L’économie circulaire vise à repenser nos produits et nos usages selon différentes stratégies. Cela permettrait de minimiser l’extraction et l’enfouissement en fin de vie. Institut EDDEC

Comment assurer une transition qui évite ces effets rebonds ? Comment les technologies peuvent-elles favoriser une transition vers une économie plus circulaire, et comment faire face à la quantité de données et d’informations à traiter pour analyser les itinéraires propices à une transition juste et écoresponsable ?

En tant que doctorant en génie de l’environnement, professeur en génie de l’environnement et professeurs de management à l’ÉTS et à HEC Montréal, nous croyons qu’une partie de la réponse se trouve dans l’intelligence numérique, soit la capacité d’utiliser les données et les méthodes mathématiques d’aide à la décision.

C’est en effet la conclusion à laquelle nous sommes parvenus au terme d’échanges lors du symposium « L’intelligence numérique au service de l’économie circulaire », un événement organisé conjointement par le Centre interdisciplinaire de recherche en opérationnalisation du développement durable (CIRODD), le Groupe d’étude et de recherche en analyse des décisions (GERAD) et le Réseau de recherche en économie circulaire du Québec (RRECQ). Nous tenons par ailleurs à remercier Maïka Lamoureux et Rachida Bouchid pour leur soutien à la prise de notes lors de l’événement.

Les questions « Et si ? »

Pour réaliser simultanément et avec succès les multiples objectifs que suppose la transition vers une économie circulaire, divers acteurs doivent se mobiliser, comme les paliers gouvernementaux, les entreprises et les communautés. Leurs interactions, déjà complexes en soi, doivent être alimentées par les résultats de recherche pour répondre aux multiples questions et ainsi poser les bases pour une transition juste et écoresponsable de nos sociétés.

Par exemple, ne pourrait-on pas, en utilisant l’intelligence numérique, mieux recycler les pièces d’avion en fin de vie ? En plaçant stratégiquement des centres de récupérations du marc de café, en diminuerait-on les coûts de la collecte ? Et si on plaçait un centre de biométhanisation dans cette région plutôt que dans telle autre, quels en seraient les effets ? Et si on récupérait et traitait les abrasifs épandus l’hiver sur nos routes ? Et si on instaurait des groupes d’échange dans un fab lab ?

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Chaque « et si ? » devient un scénario que l’intelligence numérique permet d’étudier à partir d’un modèle, soit une représentation simplifiée de la réalité. Non seulement obtient-on, pour chaque question, des résultats de recherche fondés sur les méthodes mathématiques et informatiques, mais on évite aussi la mise en place de projets pilotes, lesquels peuvent se révéler aussi coûteux que laborieux.

L’intelligence numérique permet également d’anticiper certains effets rebonds. S’agissant par exemple des abrasifs hivernaux, on découvre qu’un taux de récupération élevé entraine une accumulation des stocks. Le problème serait ainsi repoussé à plus tard, de sorte qu’un nouveau « et si ? » est posé, et nous apprend que la mise en place d’un réseau de distribution pourrait contrer ce problème et engendrer quelques retombées financières.

L’intelligence numérique peut aider à résoudre des problèmes d’envergure tout le long de la chaîne de valeur. Par exemple, une étude publiée en 2015 estimait que seulement 48 à 59 % de la flotte montréalaise de voitures serait suffisante afin de répondre à la demande de déplacement de la population si cette flotte était offerte en autopartage.

L’intelligence numérique et l’économie circulaire

L’intelligence numérique et l’expertise du milieu de la recherche nous paraissent nécessaires afin d’opérer la transition vers l’économie circulaire, tout comme la participation de la collectivité et des professionnels et professionnelles.

Bien que le numérique soit un moteur capable d’améliorer notre résilience et d’accélérer notre transition vers une économie circulaire, il peut également générer des effets indésirables.

Rappelons en effet que le numérique n’est pas plus infini qu’immatériel, mais qu’il requiert une infrastructure imposante pour répondre à nos besoins. Après tout, l’informatique nuagique n’est qu’un ensemble de serveurs connectés par des centaines de milliers de kilomètres de câbles. Un équilibre reste à trouver pour éviter que le numérique ne devienne incompatible avec les efforts de transition.

La convergence entre la transition numérique, écologique et circulaire constitue un moyen permettant d’évaluer les limites du numérique. Entre autres, sous l’angle de la sobriété, nous pourrions prioriser les domaines essentiels et dénumériser ceux jugés comme secondaires. Nous pouvons aussi concevoir des logiciels plus légers afin qu’ils soient accessibles sur d’anciens appareils, qui verront ainsi leur durée de vie prolongée.

Chemins de Transition a consulté plus d’une centaine de personnes pour tracer les chemins nécessaires à la transition numérique à l’horizon 2040, via 33 jalons. Ces actions touchent la mesure de l’impact du numérique, la sensibilisation et la mise en commun de nos ressources.

Défis à atteindre

Bien que l’intelligence numérique et l’économie circulaire offrent un potentiel certain afin de mener une transition écologique, quelques défis doivent encore être surmontés.

Il s’agira notamment de contrôler le volume des données à acquérir et à traiter pour répondre à la variété des questions « et si ? »

Il conviendra également de structurer la connaissance tout en assurant la sécurité, la confidentialité, l’exactitude et la disponibilité de la donnée.

Il faudra enfin poursuivre les efforts qui visent à sensibiliser les consommatrices et consommateurs aux solutions circulaires, notamment en poursuivant la réflexion sur l’accessibilité et l’abordabilité de ces dernières. Certaines réflexions ont déjà eu lieu, entre autres, sur le rôle de l’économie circulaire dans le logement durable et abordable.

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