Il est très tendance dans certains milieux politiques, à droite comme à gauche, mais aussi dans certains cercles académiques, de critiquer l’Etat de droit, cette forme constitutionnelle où tous les pouvoirs – législatif compris – sont soumis au respect de la Constitution et en particulier des droits et libertés qu’elle énonce. Il serait la cause de tous les maux : l’économie de marché qu’il légitimerait, la dissolution des liens sociaux qu’il provoquerait et l’individualisme qu’il sacraliserait. Il serait même responsable de la crise des démocraties en affaiblissant l’Etat, en désagrégeant les identités nationales, en provoquant la colère des peuples et la montée des populismes. Au moment où cette pensée unique se diffuse dans toute l’Europe, il est urgent d’affirmer que l’Etat de droit est la forme qui garantit la qualité démocratique d’une société.
L’Etat n’est pas né « Etat de droit ». Il a fallu des siècles, écrivait la juriste Mireille Delmas-Marty, « pour inventer un Etat de droit caractérisé par la séparation des pouvoirs et la garantie des droits fondamentaux » (Le Monde du 24 octobre 2019). Ces droits ne sont pas tombés du ciel ; ils sont le produit des contradictions sociales et des luttes, politiques et intellectuelles, souvent longues, souvent violentes pour les obtenir. « Dans l’épreuve quotidienne qui est la nôtre, relevait Camus, la révolte joue le même rôle que le cogito dans l’ordre de la pensée : elle est la première évidence. Mais cette évidence tire l’individu de sa solitude. Elle est un lien commun qui fonde sur tous les hommes la première valeur. Je me révolte, donc nous sommes » (L’Homme révolté, Gallimard, 1951).
Gouverner, c’est calculer
Les droits fondamentaux sont tous issus de la révolte et, en ce sens, ils portent le souci de tous les hommes, ils sont le lieu commun de tous les hommes, ils signent la solidarité de tous les hommes. De cela, ils sont une politique, soulignait le philosophe Claude Lefort. Et très précisément, une politique de la société contre l’Etat. Car l’expression « Etat de droit » prête à confusion ; elle donne à croire que le droit est l’ordre dans lequel l’Etat parle, alors que le droit n’est ni le principe qui le fonde, ni la rationalité qui le guide, ni le cadre qui le contraint. La langue de l’Etat est, pour reprendre une formule de Michel Foucault (Naissance de la biopolitique, Seuil, 2004), l’économie politique ou le calcul des intérêts.
Gouverner, c’est calculer. Calculer ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire, non au regard de ce que le droit, la Constitution ou les droits constitutionnels interdiraient ou permettraient, mais au regard de ce que les intérêts électoraux, politiques, économiques interdisent ou permettent. Le « bon » politique est celui qui sait identifier les différents intérêts en concurrence, qui sait évaluer leur force respective, qui sait anticiper les retours sur investissement de telle ou telle politique publique, et, à la fin, conclure par un bilan coût-avantages sur ce qu’il peut faire ou ne pas faire. Le droit n’est jamais un élément déterminant dans cet arbitrage des intérêts en présence ; la politique n’est pas saisie par le droit mais par les intérêts économiques.
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