La Peau de chagrin, Gargantua, Les Caractères… ces œuvres au programme du bac de français que les élèves de Première passent ce jeudi semblent a priori éloignées des préoccupations des lycéens, même si les professeurs s’efforcent de faire le lien avec la période actuelle.
« Ré-insuffler la notion de plaisir de la lecture »
« Nos élèves ont une relation assez distanciée à la littérature dite classique, aux grandes œuvres du patrimoine », confirme Brendan Chabannes, enseignant en Première générale et technologique dans un lycée rural de la Somme. Ils vivent parfois cette lecture « comme une corvée » et les profs de français « doivent sans cesse ré-insuffler la notion de plaisir de la lecture », ajoute-t-il.
Lors de l’épreuve écrite du bac de français, ce jeudi matin, les élèves ont le choix entre un commentaire et une contraction de texte associée à un essai pour le bac technologique, entre une dissertation et un commentaire de texte pour le bac général.
La dissertation porte sur un texte au programme, construit autour des quatre grands genres littéraires: roman, poésie, théâtre et littérature d’idées. Pour chaque genre, les élèves ont étudié une œuvre, parmi trois proposées. Au choix : La Peau de chagrin (1831) de Balzac, Les Caractères (1688) de La Bruyère, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) d’Olympe de Gouges, Manon Lescaut (1731) de l’Abbé Prévost ou encore Gargantua (1534) de Rabelais, qui, malgré ses 489 ans, n’a pas pris une ride…
« Faire dialoguer les œuvres avec notre époque »
« On bachote, on nous dit d’apprendre des idées, des citations par coeur… », reconnaît Jeanne, 17 ans, en Première dans un lycée à Strasbourg. Mais elle « ne trouve pas ça ennuyeux d’étudier des œuvres classiques » et d’« établir des liens » avec des textes contemporains.
Françoise Cahen, professeure de français à Alfortville (Val-de-Marne), s’efforce « d’imaginer des dispositifs qui permettent aux élèves de faire dialoguer les œuvres avec notre époque ». « La lecture vraiment scolaire peut assécher le rapport » aux livres classiques, selon elle. « On avait peut-être une approche plus formaliste avant, avec le relevé des figures de style par exemple », analyse cette enseignante. « Cela n’a pas disparu » mais « il y a l’idée qu’il faut que les élèves s’approprient les œuvres pour être de bons lecteurs ».
Olympe de Gouges « plaît beaucoup »
Pour Sarah Sauquet, enseignante et créatrice de l’application Un texte, un jour, « il y a encore un respect et un intérêt pour le classique » mais « les élèves ont un regard plus critique sur les textes ». « Ils doivent leur parler de sujets qui les touchent et la difficulté de la langue les rebute plus qu’avant », poursuit cette enseignante. Elle pointe « une certaine appétence » pour la littérature d’idées, et notamment pour Olympe de Gouges (1748-1793), qui « plaît beaucoup ». « C’est une œuvre de la Révolution française, mais avec des thèmes qu’on retrouve aujourd’hui et qui nous touchent », confirme Jeanne. « Du féminisme en littérature, je me suis dit que c’était trop bien ! »
Manon Lescaut, une prostituée « vue à travers le regard d’un homme »
La représentation de certains personnages féminins dans des oeuvres classiques est abondamment discutée par une partie des adolescents – et surtout adolescentes -, après #MeToo. Adèle, 16 ans, lycéenne à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), regrette que l’histoire de Manon Lescaut, dont l’héroïne est une prostituée, soit « vue à travers le regard d’un homme ». Mais elle est « bien consciente que la vision de l’égalité hommes/femmes a évolué ».
Dans la classe d’Eva, en Première technologique dans un lycée des Côtes-d’Armor, « plusieurs élèves ont bien aimé la littérature d’idées ». Ils ont étudié Les Caractères et deux œuvres associées de l’autrice contemporaine Yasmina Reza. Ce qui leur a plu ? « Se retrouver dans les personnages » dépeints par La Bruyère, bien qu’ils aient vécu il y a plus de trois siècles, indique la lycéenne de 16 ans.
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