L’audience était historique. Accusé d’avoir mis la sécurité des Etats-Unis en péril en conservant des documents confidentiels après son départ de la Maison Blanche, Donald Trump était appelé à comparaître, mardi 13 juin, devant le tribunal fédéral de Miami. Toute la presse était évidemment mobilisée mais, dans la course à l’information sur l’avenir judiciaire et politique de l’ancien président – qui briguera un nouveau mandat en 2024 –, se dressait un obstacle de taille : aucune communication n’était possible entre la salle d’audience et l’extérieur, le juge ayant interdit au public comme aux reporters d’y pénétrer avec le moindre appareil électronique, caméras, ordinateurs et téléphones compris.
Comment CNN est-elle parvenue à révéler avant tous ses concurrents que le 45e président des Etats-Unis avait plaidé non coupable des trente-sept chefs d’inculpation retenus contre lui ? Le stratagème, que la chaîne a dévoilé mercredi, est tout aussi rocambolesque qu’anachronique, dans un pays où (presque) rien n’échappe aux caméras ni à l’exigence de transparence des taxpayers (contribuables) à l’égard de leurs institutions.
Tout a commencé lundi, veille de l’audience, avec l’envoi d’une mission de reconnaissance. Chargée d’inspecter le palais de justice de Miami, l’équipe de CNN y repère deux postes de téléphones publics, reliques oubliées du passé filaire des télécoms (les dernières cabines de New York ont été démontées en 2022), mais seul moyen de communiquer rapidement avec l’extérieur. Noah Gray, coordinateur principal de la chaîne pour les special events (événements spéciaux), peut alors élaborer son plan.
Transparence et impartialité
Il se trouve que lui-même a grandi à Miami, où il a fréquenté la Palmetto Senior High School, et contacte un professeur de journalisme audiovisuel pour lui proposer d’embaucher momentanément quelques-uns de ses élèves. L’affaire est, semble-t-il, très vite entendue. Le lendemain, la salle d’audience est comble. Aux côtés d’Hannah Rabinowitz et de Tierney Sneed, les deux reporters de CNN armés de leurs seuls blocs-notes, se trouvent une poignée d’adolescents. Lorsque Todd Blanche, l’avocat de Donald Trump annonce : « Nous plaidons résolument “non coupable” », les journalistes arrachent les pages où ils viennent de griffonner ces mots et les remettent aux étudiants, qui foncent retrouver leur camarade chargé de monter la garde devant l’une des cabines. Il n’a plus qu’à appeler pour annoncer l’information, mais il y a un hic : les cabines ne permettent que les appels locaux.
Le problème a toutefois été anticipé. Une autre équipe est postée dans un van qui sert de quartier général mobile à la chaîne. A bord se trouve un assistant de production local, dont le numéro de téléphone portable est accessible. C’est lui qui fait le relais avec Brad Parks, directeur régional de l’antenne investigation, qui peut à son tour transmettre l’information au bureau de Washington, où elle est validée puis annoncée à l’antenne, avant tous les autres Networks. « Pendant toutes les années que j’ai passées sur le terrain, je n’ai jamais été impliqué dans une opération téléphonique aussi complexe », a confié Noah Gray, à la fin de l’audience.
Au-delà de son inventivité, l’opération a nourri le débat sur la transparence d’une justice fédérale souvent jugée archaïque et arc-boutée sur ses principes. Dans celle qui concerne Donald Trump, les croquis des dessinateurs judiciaires seront les seules pièces visuelles à verser aux archives de cette inculpation historique.
Beaucoup d’experts juridiques ont jugé nécessaire, depuis, de réformer les règles au nom de la transparence et de l’impartialité. « Je pense qu’il s’agit de la justice du peuple, que c’est l’argent de nos contribuables qui la finance et que tous les Américains doivent pouvoir le voir », a notamment estimé Neal Katyal, ancien procureur général par intérim, sur MSNBC. Ses arguments semblent d’autant plus fondés que, quels que soient les interdits, la presse finit toujours par les contourner, comme l’a montré l’audience de mardi.
En France, sauf cas exceptionnels, les caméras sont toujours interdites, mais les journalistes ont la possibilité de transmettre leurs informations à l’aide de téléphones ou d’ordinateurs. Aux Etats-Unis, les chaines de télévision sont, au contraire, tellement omniprésentes dans les tribunaux, notamment depuis le procès d’O. J. Simpso,, en 1994, que l’absence d’image peut presque paraître suspecte.
« Hyperpolarisation »
« Depuis les années 1980, beaucoup de procès, y compris dans la phase de comparution préliminaire, comme celle qui s’est déroulée mardi, sont télévisés et les Américains en ont pris l’habitude, rappelle Marie-Christine Bonzom, politologue, journaliste et spécialiste des Etats-Unis, où elle a travaillé pendant près de trente ans (1989-2018). Cette fois, le juge ne voulait pas que l’audience tourne au cirque médiatique. Je crois qu’il faut lui laisser ce pouvoir », estime-t-elle.
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La presse peut toujours faire valoir le droit d’informer pour demander à couvrir les procès, mais dans les affaires politiquement sensibles, qui plus est lorsqu’elles portent sur des documents confidentiels, la publicité des débats ne ferait, selon l’experte, qu’alimenter « l’hyperpolarisation » de la société américaine. « Les Etats-Unis ont atteint un tel degré de division partisane que cela contamine toutes les sphères de la vie publique, y compris l’appareil judiciaire et les médias. Aujourd’hui, tout le monde doit s’interroger, aussi bien les médias que la justice et les deux partis qui dominent la vie politique », conclut-elle.
« Les tenants de la médiatisation des débats estiment que les téléspectateurs doivent tout voir au nom de transparence, mais la question est de savoir ce que le public a perdu », observe, quant à elle, Anne Deysine, juriste et professeure émérite à l’université Paris Ouest-Nanterres, qui a notamment publié Les Etats-Unis et la démocratie (L’Harmattan, 2019). « Cette fois, il n’a rien manqué d’autre que le silence de Donald Trump et son air ostensiblement boudeur. Les journalistes étaient dans la salle et le moindre manquement aurait été signalé, y compris en l’absence d’images. A l’inverse, la présence des caméras aurait fait courir le risque que tout soit “sensationnalisé” et que les avocats surjouent leur partition pour les médias, ce qui n’aurait fait qu’accentuer la polarisation », conclut-elle également.
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