La capacité d’adaptation, un atout des territoires ultrapériphériques face aux crises

La capacité d’adaptation, un atout des territoires ultrapériphériques face aux crises
La capacité d’adaptation, un atout des territoires ultrapériphériques face aux crises

Les régions ultrapériphériques (RUP), éparpillées partout dans le monde, se distinguent par leur éloignement des grands centres économiques, leur isolement forcé et leurs singularités culturelles et sociales. Souvent perçus d’abord comme des lieux touristiques « sea, sand and sun », ils sont aussi marqués par des fragilités structurelles qui rendent particulièrement vulnérables face aux crises. Ils se caractérisent souvent à la fois par une superficie réduite et une topographie (montagneuse, volcanique, couverte de forêts denses, etc.) qui ne facilite pas l’exploitation de la surface disponible et le développement de l’économie.

La législation des 27 reconnaît ainsi explicitement ce statut à la Guyane, la Guadeloupe, Saint-Martin, la Martinique, La Réunion, Mayotte, les Canaries, les Açores et Madère. Reconnu par l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), il fait référence à :

« la situation sociale et économique structurelle des départements français d’outre-mer, des Açores, de Madère et des iles Canaries, aggravée par leur éloignement, leur insularité, leur petite taille, leur topographie et leur climat difficiles, la dépendance économique à quelques produits dont la permanence et la combinaison freiner sévèrement leur développement. »

Les contraintes géographiques sont telles que le texte prévoit un traitement spécifique pour ces territoires structurellement en difficulté.

Trappes de développement

La pauvreté notamment y reste très nettement supérieure à ce que l’on observe sur le continent. La proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté y est de près de 40 %. Cela concerne même 77 % de la population à Mayotte, soit plus de 200 000 personnes. Les RUP ont également un PIB par habitant inférieur de 40 % à la moyenne de l’UE et le taux de chômage y est supérieur de 50 % à la moyenne de l’UE.

Carte des régions ultrapériphériques. Commission européenne

La petite taille de ces régions signifie que leur marché de consommation est nécessairement restreint. Nombre de ces régions n’ont pas de frontières terrestres, ce qui leur permettrait d’écouler plus facilement leurs marchandises. Il y est donc plus difficile pour les entreprises d’avoir un marché suffisamment grand pour se développer, à moins qu’elles ne décident d’exporter, ce qui se trouve bien limité par la faiblesse des infrastructures de transports. D’autant que ces économies sont bien souvent davantage connectées avec les métropoles européennes qu’avec leurs voisins géographiques.

Tout ceci conduit de nombreux chercheurs à dire que les RUP sont coincées dans des trappes de développement, autrement dit, des situations où les entraves socio-économiques et structurelles sont telles qu’elles paralysent la croissance économique et le développement. Ces difficultés présentent un caractère systémique qui rend en outre les territoires en question plus vulnérables aux chocs que la moyenne.

Peu diversifiées et fortement dépendantes des importations en énergie ou produits industriels, ces économies reposent beaucoup sur le tourisme compte tenu de leurs ressources patrimoniales environnementales et paysagères. Cela peut avoir des effets dramatiques sur l’économie en temps de crise économique, comme ce fut le cas durant la pandémie liée au Covid-19.

Dans un travail de recherche récent, nous avons étudié les cas des Açores, de Mayotte et de la Réunion. Il nous a menés à rencontrer une trentaine d’acteurs, du public, du privé ou de la société civile. Des retours d’expérience de syndicats patronaux ont également été sollicités.

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Économiquement, ces régions ont souffert au rythme des fermetures de lignes aériennes et maritimes. Isolées, elles ont aussi plus que les autres souffert des pénuries et de la hausse des coûts de transport. Les recettes publiques, elles, ont notamment pâti de la chute du tourisme et des revenus qu’elles en tirent grâce aux taxations sur les carburants et le transport maritime. Contrairement à la métropole, celles-ci reviennent essentiellement à l’autorité régionale. Vendeurs de fruits et légumes sur les trottoirs, salariés non déclarés du bâtiment ou de la garde d’enfants, ce sont les acteurs du secteur informel qui semblent avoir connu les plus grandes difficultés.

Une coopération renforcée

La crise n’appartient pas partout au passé. À Mayotte, notamment, le chômage continue de grimper fortement : +4 points par rapport à la moyenne 2016-2021 pour atteindre 34 % en 2022.

Malgré les désavantages socio-économiques et géographiques, ces régions ultrapériphériques ont néanmoins su proposer des adaptations, utilisant les atouts locaux pour trouver de nouvelles pistes de développement. Beaucoup d’élus et de responsables des administrations mettent en avant des capacités de résilience, à l’image de ce salarié de la préfecture à Mamoudzou qui mesure les derniers progrès :

« Nous avons enfin fait la liste des aides ponctuelles d’urgence qui ont été versées aux bénéficiaires du revenu de solidarité active : finalement, c’est pas mal ! »

Certes, il y a des effets en trompe-l’œil. Si une création nette d’emploi apparaît dans les chiffres à la Réunion, c’est pour partie car beaucoup d’entreprises ont commencé à les déclarer afin de toucher les aides.

Néanmoins, la crise a pu apporter son lot de progrès, en créant par exemple de nouveaux liens entre les acteurs du public, du privé ou avec des acteurs de la société civile. C’est un vrai motif de satisfaction pour ce président d’une association solidaire aux Açores :

« Coopérer comme nous l’avons fait nous a permis d’être efficace et, surtout, de bien comprendre qui s’occupe de quoi. »

Des responsables, d’instances publiques et socioprofessionnelles de l’ile de La Réunion, ayant pris part en 2020 et 2021, à la gestion de la crise Covid-19, abondent dans le même sens :

« Il a fallu que l’on attende une crise pour s’assoir autour d’une même table et parler d’une seule voix. Et c’était bien ! »

Les autorités et les associations ont aussi su lancer des actions de long terme afin d’anticiper les crises à venir, notamment en termes de digitalisation. En la matière, en effet, la pandémie a montré des limites en termes d’usage mais aussi d’accessibilité. Un salarié de la préfecture de Mayotte explique ainsi :

« Nous avons mis en place des ateliers et des guichets uniques pour lutter contre l’illettrisme digital et aider aussi les gens à effectuer leurs démarches administratives en ligne. »

L’enjeu pour l’avenir est de mettre en œuvre des politiques basées sur les ressources disponibles localement afin de construire des politiques territoriales toujours plus résilientes. De ce point de vue, l’expérience de la crise du Covid montre, à différents niveaux, qu’il n’y a pas de fatalité pour ces territoires, mais souvent des opportunités à saisir.

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