Outre l’Hexagone, l’Union européenne vise aussi l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte. Des procédures pour déficits excessifs visant ces États devraient être ouvertes le mois prochain.
L’annonce ne pouvait moins bien tomber. À quelques jours du premier tour des élections législatives anticipées, et alors que les différents partis en lice pour accéder à Matignon multiplient les annonces de nouvelles dépenses, Bruxelles a rappelé ce mercredi à l’ordre plusieurs capitales européennes, dont Paris. Et souligné l’importance de respecter les règles budgétaires instaurées à l’échelle de l’Union.
La Commission européenne s’est penchée longuement sur les comptes des différents pays, dans le cadre du paquet de printemps, «afin de bâtir une économie robuste et pérenne» sur le continent. Or, les États membres, qui doivent «[éviter] les déficits publics excessifs» en gardant une dette inférieure à 60% du PIB et un déficit proche ou inférieur à 3% du PIB, comme le note le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ne respectent pas tous ces engagements. Sept pays ont donc été épinglés : la France, la Belgique, l’Italie, la Hongrie, Malte, la Pologne et la Slovaquie.
L’Hexagone invité à faire mieux
Concrètement, la Commission ouvre la voie à une procédure pour déficits excessifs à l’encontre de ces nations jugées peu scrupuleuses, sur le plan budgétaire. La procédure sera proposée en «juillet 2024», et «des recommandations» seront ensuite formulées au Conseil, en fin d’année, afin de remettre les comptes d’équerre. «Nous attendons avec impatience de recevoir des États membres des plans structurels budgétaires nationaux qui réduiront la dette et le déficit et refléteront les recommandations d’aujourd’hui», a déclaré le commissaire européen chargé de l’Économie, Paolo Gentiloni, cité dans un communiqué.
Cet avertissement clair de Bruxelles envoyé à plusieurs capitales européennes signe aussi le retour d’un cadre budgétaire plus strict, après des années de relâchement, durant la pandémie de Covid-19. La Commission attend désormais une gestion mesurée des comptes publics, ainsi que «des réformes», de la part des États membres, dans un contexte politique et international troublé. Il faut dire que peu d’États respectent scrupuleusement les règles communes : fin 2023, selon Eurostat, cinq nations avaient un ratio de dette sur PIB supérieur à 100%, dont la France, et treize dépassaient la barre des 60%. De même, onze États avaient un déficit supérieur aux 3%, en fin d’année dernière. Paris figure, dans les deux cas, parmi les bonnets d’âne.
L’incertitude des élections législatives en France
En théorie, la procédure pour déficits excessifs qui devrait s’ouvrir en juillet prochain vise à inciter les États concernés à prendre des mesures au plus vite pour reprendre le contrôle de leur budget. Les gouvernements ont alors six mois pour suivre les recommandations de la Commission européenne, ou plus, si des mesures ont été prises mais que des «événements exceptionnels» parasitent le rétablissement des comptes. Passé le délai, Bruxelles peut soit suspendre la procédure, soit, au contraire, «l’intensifier». Dans ce cas, une amende pouvant aller jusqu’à 0,2% du PIB du pays peut être imposée à un État membre de la zone euro. En pratique, cependant, de telles sanctions n’ont jamais été appliquées. La France connaît bien cette procédure : elle y est restée un long moment, durant la crise financière, avant d’en sortir officiellement en 2018, grâce à une baisse de son déficit.
Pour l’heure, cependant, rien ne dit que Paris se conformera à l’appel de la Commission. Donnés favoris aux Législatives, le Rassemblement national comme le Nouveau front populaire jouent des muscles, et affichent leur volonté d’entamer un bras-de-fer avec Bruxelles. L’union de la gauche a même inscrit, dans son programme, le refus des «contraintes austéritaires du pacte budgétaire» européen. Alors que les avertissements des agences de notation, des marchés et des experts, comme la Banque de France, ne cessent de se multiplier, ces appels à l’orthodoxie budgétaire ressemblent de plus en plus à des cris de Cassandre, face à l’avalanche de promesses dispendieuses pour remporter les élections à venir. Quitte à susciter l’ire de la Commission ? Ou le principe de réalité budgétaire s’imposera-t-il à la future majorité à l’Assemblée nationale ?
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