Langue française : non, le masculin ne l’a pas toujours emporté sur le féminin

Langue française : non, le masculin ne l’a pas toujours emporté sur le féminin
Langue française : non, le masculin ne l’a pas toujours emporté sur le féminin

La grammaire nous enseigne la primauté du masculin sur le féminin. D’où vient cette règle ? Les explications d’Éliane Viennot.

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Eliane Viennot est professeuse émérite de littérature de la Renaissance. Elle est l’autrice de Le langage inclusif : pourquoi, comment et de Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin (éd. iXe.)

Ça m’intéresse Histoire : En français, le masculin aurait valeur de neutre. En a-t-il toujours été ainsi ?

Non, comme dans la plupart des langues romanes, nous n’avons que deux genres, masculin et féminin. Le neutre n’existe pas. Dire que, quand on parle au masculin, on parle au neutre est scientifiquement irrecevable, et politiquement, c’est une imposture. Surtout, ça ne marche pas : les études de psycholinguistique ont montré qu’employer le masculin quand on parle de groupes mixtes génère des représentations d’hommes.

En grammaire, on nous apprend que « le masculin l’emporte sur le féminin ». En a-t-il toujours été ainsi ?

Le dogme de l’accord au masculin a été érigé au XVIIe siècle par l’Académie française. L’ancienne langue connaissait cet usage, mais employait aussi d’autres types d’accords, comme celui de proximité dans lequel l’adjectif s’accorde avec le genre du nom le plus proche. Les réformateurs se sont justifiés en parlant de plus grande noblesse du masculin. Sous la République, l’idée étant plus difficile à faire passer, on dit que le masculin l’emporte. C’est une autre formule, mais c’est le même résultat. Les Académiciens ont aussi combattu avec la dernière énergie le pronom personnel attribut « la » : « Vous êtes satisfaite et je ne la suis pas », écrit Corneille. Si on parlait toujours correctement, on dirait donc : « On ne naît pas femme, on la devient. » Là encore, ils ont prétendu que c’était du neutre, mais c’est faux.

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La féminisation des noms de métiers est-elle une nouveauté ?

Nous n’avons pas à féminiser les noms : ils le sont depuis des siècles. Nous avons à les employer, et à démasculiniser la langue. Avant le XVIIe siècle, jamais une femme n’était nommée au masculin. À l’époque de Molière, on joue des pièces d’ »autrices« , parce que c’est le seul mot qui existe alors. Mais académiciens et grammairiens ont condamné ce terme, comme d’autres qui désignent des activités qu’ils estimaient réservées aux hommes.

Lesquels, par exemple ?

Peintresse, poétesse ou philosophesse… Aux XVIe et XVIIe siècles, des femmes commençaient à s’imposer sur la scène littéraire, comme Marie de Gournay ou Madeleine de Scudéry. Les nommer au masculin constituait un moyen de les désigner comme des transgresseuses et d’inviter à les railler.

D’où vient le point médian ?

L’abréviation des doublets, comme né(e) ou domicilié(e), date vraisemblablement des années 1980 et c’est le ministère de l’Intérieur qui l’a mise au point. Mais la parenthèse est une inclusion au rabais. Depuis, les féministes cherchent le signe adéquat. Après d’autres candidats (trait d’union, barre oblique…), le point médian semble aujourd’hui le bon. Il suffit d’apprendre à l’utiliser : les deux mots doivent être lisibles en entier. Cela fonctionne pour étudiant·e, mais pas pour acteur et actrice, qu’il faut écrire en entier.

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Le point médian a pourtant été qualifié de « péril mortel » par l’Académie…

Ce n’est qu’une abréviation et personne n’est obligé de l’utiliser. L’essentiel est de ne pas faire dominer le masculin. Notre langue est équipée pour l’égalité : on a tout ce qu’il faut comme noms, pronoms et mode d’accords. Il n’y a rien besoin de faire, si ce n’est apprendre le bon français.

Ces nombreux ouvrages féminins mais anonymes…

Le premier auteur de l’Histoire serait… une autrice ! Il y a quarante-trois siècles, en Mésopotamie, la princesse et prêtresse Enheduanna aurait écrit des poèmes. Une première voix, suivie d’un immense silence. Longtemps, seules les jeunes filles de la noblesse ont pu prétendre à l’alphabétisation. Si certaines, comme Christine de Pizan (1364-1431) ou Marie de Gournay (1565-1645), réussissent à vivre de leur plume, la plupart d’entre elles devront se cacher.

Au XVe siècle, Christine de Pizan, considérée comme la première femme de lettres française ayant vécu de sa plume, a notamment écrit pour dénoncer la misogynie du Roman de la Rose. BRITISH LIBRARY BOARD/BRIDGEMAN IMAGES

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Pour avoir une chance d’être publiées, elles écrivent sous couvert d’anonymat ou avec un nom d’emprunt. Ce que feront Madame de La Fayette ou Madeleine de Scudéry au XVIIe siècle, ou encore George Sand au XIXe siècle. Plus nombreuses à signer au début du siècle suivant, elles sont encore raillées et catégorisées dans un sous-genre, la « littérature féminine ». Il faut attendre 1980 pour qu’une femme, Marguerite Yourcenar, entre à l’Académie française. Aujourd’hui encore, les écrivaines restent sous-représentées dans les manuels scolaires et les prix littéraires.

Aurore Dupin, plus connue sous le nom de George Sand. WIKIPEDIA

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