On me pose souvent la question : à quelle place se situe le français sur l’échelle des langues du monde ? La difficulté est qu’il n’y a pas une seule réponse à cette interrogation. C’est d’ailleurs en cela que la problématique est intéressante.
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Je m’explique. Quand on s’intéresse à ce sujet, on pense spontanément au nombre de personnes qui ont reçu cette langue à la naissance. Auquel cas, voici ce que l’on peut dire. Selon ce critère, c’est le mandarin qui domine, avec 921 millions de locuteurs, devant l’hindi, l’espagnol, l’anglais et le portugais. Le français, lui, ne se classe que 17ᵉ, avec 71 millions de locuteurs natifs. Mais, si l’on ajoute aux personnes qui ont reçu un idiome en tant que langue maternelle celles qui l’ont appris ultérieurement, la hiérarchie change (1). Dès lors, c’est l’anglais que l’on retrouve au sommet avec 1,3 milliard de pratiquants, devant le mandarin (1,1 milliard) et l’hindi (637 millions). Le français, lui, remonte à la 5ᵉ place, avec 277 millions de locuteurs, loin derrière l’espagnol (538 millions) et à peu près au même niveau que l’arabe (274 millions), le bengali (265 millions), le russe (258 millions) et le portugais (252 millions).
Souvent, on a tendance à s’en tenir là, et l’on a bien tort, pour au moins deux raisons. La première est qu’il n’est pas si facile de déterminer ce qu’est un « locuteur » d’une langue. Un individu qui la maîtrise sur le bout des doigts ou celui qui parvient vaille que vaille à se faire comprendre, quitte à s’embrouiller dans la conjugaison et la syntaxe (moi en anglais, par exemple…) ? Selon la réponse à cette question, les chiffres varient du tout au tout. Aussi les statistiques qui circulent ici et là doivent-elles être prises pour ce qu’elles sont : des approximations.
La seconde raison est plus importante encore : l’influence d’une langue dépend surtout de ses différents statuts. Est-elle en usage dans la diplomatie, le commerce, les sciences, les instances internationales ? Plus ses fonctions sont nombreuses, plus son prestige est grand, plus son rayonnement et sa longévité sont assurés.
Les linguistes Alain et Louis-Jean Calvet ont intelligemment mis au point un « baromètre des langues du monde » qui ne comprend pas moins de 13 critères. Prix littéraires internationaux, traduction vers et à partir d’une langue, utilisation dans l’enseignement universitaire, indice de fécondité des pays où cette langue est en usage, présence sur Internet, etc. Mieux encore : à partir de cette base, les chercheurs proposent à chacun d’établir son propre classement, en faisant varier l’importance que l’on accorde à tel ou tel indicateur. Il en résulte évidemment des résultats très différents.
Pas d’angélisme, néanmoins. Quelle que soit l’approche privilégiée, il va de soi que l’espagnol et le russe sont plus puissants que le mingrélien (une langue géorgienne) ou le dogri (une langue indienne). Quant au français, deux certitudes peuvent être avancées. Premièrement, s’il existait une épreuve de langues aux Jeux olympiques, notre idiome national finirait loin derrière l’anglais. Deuxièmement, il se qualifierait néanmoins aisément pour la finale et aurait de sérieuses chances de terminer sur le podium, et cela, justement, grâce à des fonctions aussi variées qu’enviables.
Eh oui ! Car, on l’oublie parfois, mais le français est présent sur les cinq continents, de la Belgique au Canada, en passant par le Liban, la Polynésie et la Côte d’Ivoire. Il dispose d’un statut de langue officielle ou co-officielle dans une trentaine d’Etats dans le monde. Il est langue diplomatique à l’ONU et dans les institutions européennes. Il est la deuxième langue la plus enseignée dans le monde, notamment dans les alliances et lycées français. Il est la quatrième langue d’usage sur Internet. Il est également une grande langue culturelle qui rayonne grâce à ses écrivains, ses réalisateurs et ses chanteurs. Surtout, il bénéficie d’une forte dynamique démographique, notamment en Afrique, ce qui devrait contribuer à doubler le nombre de ses locuteurs dans les prochaines décennies… De quoi l’autoriser à rivaliser avec la plupart de ses concurrents. Dans le même temps, en effet, le mandarin comme l’hindi manquent de pays relais, et l’espagnol, de dynamisme économique, l’arabe souffre de la dispersion entre ses multiples variantes, etc. Quant à l’allemand et au russe, ils cumulent l’ensemble de ces handicaps.
Conclusion ? Bien que largement distancé par l’anglais, le français figure bel et bien parmi les cinq idiomes les plus influents du monde. Ce qui vaut mieux, beaucoup mieux, que de faire partie des 3 000 langues menacées de disparition d’ici à la fin du siècle.
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(1) Source : site Ethnologue : languages of the world.
À LIRE AILLEURS
Recourir à un anglicisme pour défendre la langue française : il fallait oser, le gouvernement l’a fait. Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères vient de lancer le « pass [sans ‘e’] éducation langue française » et ce quelques jours après l’inauguration de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts. Il est censé permettre aux enfants français résidant à l’étranger et éloignés de la langue française d’accéder à une offre numérique de cours de langue encadrée par un tuteur.
Tels sont les résultats communiqués par le Centre des monuments nationaux, un mois après l’inauguration de la Cité internationale de la langue française. 70 % des visiteurs proviennent de la région des Hauts-de-France.
Non, répondent ces linguistes dans une tribune publiée par Mediapart. Selon eux, cette mesure prévue dans le projet de loi du gouvernement pourrait même se révéler contre-productive. Ils soulignent notamment que la bonne intégration dépend d’autres facteurs : l’emploi, le logement, les relations sociales, etc. Et s’étonnent : « Les ressortissants des autres pays membres de l’UE […] peuvent s’installer librement, et même voter à certaines élections locales en France, et ce sans aucune condition linguistique », relèvent-ils.
Le gouvernement burkinabé vient d’adopter un projet de loi révisant la Constitution et consacrant désormais les langues nationales comme langues officielles à la place du français, relégué au rang de « langue de travail ».
Très intéressant entretien avec Médéric Gasquet-Cyrus dans le quotidien La Marseillaise. Selon le linguiste, qui appelle à une simplification de l’orthographe, « la langue française a été forgée par une élite littéraire. Elle a été rendue difficile volontairement ».
Blasons, drapeaux, devises, chants, dates de commémoration… Martine Boudet, agrégée de lettres modernes, se penche avec érudition sur l’ensemble des symboles qui marquent l’identité des différents territoires du pays, outre-mer compris, des châteaux cathares à l’ikurrina (la croix basque), en passant par le mont Canigou (la montagne sacrée catalane), le rot un wiss (le drapeau alsacien), le Dio vi salvi Regina (l’hymne corse). Un ouvrage aussi original qu’ambitieux.
L’Emblématique des régions de France, par Martine Boudet. Ed. du Panthéon, 352 p., 25 €.
« Badigoinces » (lèvres) ; « myrmidon » (petit bonhomme insignifiant et prétentieux), « frotte-manche » (individu courtisan et flagorneur)… En amoureux des mots, Daniel Lacotte a rassemblé quelque 600 vocables singuliers et pittoresques, dont il donne l’origine et la définition.
Au bonheur des mots les plus truculents de la langue française, par Daniel Lacotte. Ed. Larousse, 272 p., 15,95 €.
Peut-on apprendre le français comme on cuisine ? Oui, répondent Sylvie Brunet et Serge Bernardin, qui délivrent des leçons de grammaire à la manière de recettes. Leur conviction : « Une phrase à écrire est comme un plat à exécuter. Dans les deux cas, il y a des bases universelles à connaître. Mais, dès qu’il les maîtrise, chacun est libre d’accommoder les règles à sa propre sauce. » Une démarche singulière à défaut d’être toujours convaincante.
La Grammaire à croquer, par Sylvie Brunet et Serge Bernardin. Ed. First, 124 p., 19,95 €.
De pied en cap ou de pied en cape ? Sur ou sûr ? Diagnostic ou diagnostique ? Elle a l’air heureux ou heureuse ? La correctrice Muriel Gilbert publie un nouvel ouvrage destiné à déjouer les pièges de la langue française.
Le Meilleur des bonbons sur la langue 2, par Muriel Gilbert. Editions Vuibert
On critique souvent l’Académie française, dont la dernière édition complète du dictionnaire remonte à 1935, mais la Suède ne fait pas mieux. Le dictionnaire de l’Académie suédoise, qui vient d’être envoyé à l’imprimerie, avait commencé à être rédigé en… 1883. L’ouvrage compte, il est vrai, 33 111 pages. Problème : certains volumes sont maintenant si vieux qu’ils ont besoin d’être revus. Le mot « allergi » (« allergie »), par exemple, a fait son entrée dans la langue suédoise dans les années 1920 et ne figure donc pas dans le volume de la lettre « A », paru en 1893…
Les élus nantais ont approuvé un nouvel engagement quant à la charte « Ya d’ar brezhoneg », édictée par l’Office public de la langue bretonne. La ville s’était engagée dès 2012 sur le premier niveau de ce document, qui en compte quatre. La collectivité vise aujourd’hui le deuxième niveau et s’engage dans cinq nouvelles actions : plaques de rue bilingues, plan de formation professionnelle pour les agents municipaux, prise en compte de la compétence en langue bretonne dans le recrutement d’animateurs, expérimentation d’initiation au breton dans deux crèches, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles bilingues dans les classes français-breton.
La Vaque et l’poumyi : tel est le titre du premier conte bilingue franco-normand publié par la maison d’édition Skjaldmö. Rédigé par Jean-Philippe Joly et Claire Haquet, il est particulièrement destiné aux jeunes enfants et témoigne du renouveau en cours de cette langue.
La Vaque et l’poumyi, par Jean-Philippe Joly et Claire Haquet. Ed. Skjaldmö.
N’i a pro ! (« ça suffit ! ») est à la fois un livre et un spectacle magnifiques, respectivement écrit et interprété en occitan et en français par Laurent Cavalié, poète et compositeur (du groupe Du Bartàs, notamment), et Marie Coumes, conteuse et chanteuse (La Mal Coiffée). A la manière d’une veillée, les deux artistes nous replongent dans les années 1960 et 1970 dans les luttes menées par les viticulteurs de l’Aude, dont ils ont recueilli les témoignages. Une réussite.
N’i a pro ! Un hommage aux luttes viticoles du Languedoc, par Marie Coumes et Laurent Cavalié. Les Editions du bout de la ville, 128 p., 16 €.
À ÉCOUTER
Telle est la recommandation de la Commission supérieure de la langue française. De la même manière, elle préconise « glisse urbaine » au lieu de « skate », « vrille latérale » au lieu de « flip » et « saut » plutôt qu’ »ollie ».
Favoriser la transmission dans les familles et obtenir davantage de moyens pour agir : telles sont les ambitions de Victor Vogt, nouveau président de l’Office pour la langue et les cultures d’Alsace (Olca), qui était voilà peu l’invité de France Bleu Alsace.
À REGARDER
L’émission d’Arte Karambolage revient sur la longue histoire de ce terme qui désigne notre pays. Et rappelle cette vérité que nous avons longtemps eu du mal à accepter, surtout au moment des guerres avec l’Allemagne : la France tire évidemment son nom d’un peuple germanique, les Francs.
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