Le Soudan, un eldorado pour les mercenaires étrangers

Le Soudan, un eldorado pour les mercenaires étrangers
Le Soudan, un eldorado pour les mercenaires étrangers

Le général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », à Aprag, au Soudan, en juin 2019. Le général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », à Aprag, au Soudan, en juin 2019.

Sur le champ de bataille soudanais, les deux généraux en guerre n’alignent pas que leurs propres troupes. Autour d’eux gravitent mercenaires, gardes privés, combattants tribaux ou instructeurs étrangers, attirés par l’appât du gain… et de l’or.

Depuis des décennies, le recours aux milices au Soudan représente une activité lucrative : soit Khartoum leur sous-traite la répression de minorités ethniques ou de mouvements armés, soit elle loue leurs services sur des terrains de guerre étrangers. Ainsi, du Darfour au Mali en passant par la Libye, la Centrafrique ou la Russie, les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », ont tissé de longue date des liens à l’étranger. Un temps, ces paramilitaires redoutés ont combattu au Yémen pour les Saoudiens et les Emiratis, en Libye pour différents camps ou ailleurs dans le Sahel.

Maintenant que la guerre est sur leur sol, les FSR publient sur les réseaux sociaux des vidéos de combattants leur exprimant leur soutien au Tchad ou au Niger. Pour Abdel Fattah Al-Bourhane, chef de l’armée soudanaise et grand rival d’Hemetti, des « mercenaires venus du Tchad, de Centrafrique et du Niger » combattent au sein des forces ennemies. L’armée a même assuré récemment avoir tué « un sniper étranger ». L’envoyé de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, l’a aussi répété : « Le nombre de mercenaires venus du Mali, du Tchad et du Niger pour soutenir les FSR n’est pas insignifiant. » Des témoins à Khartoum assurent avoir entendu des combattants des FSR parler français, semblant suggérer qu’ils soient tchadiens.

Mines d’or

La famille Daglo tient une grande part des mines d’or du Soudan, troisième producteur d’Afrique, donc « Hemetti peut payer des salaires comme peu de gens en Afrique subsaharienne ou au Sahel », affirme à l’AFP Andreas Krieg, du King’s College de Londres. Déjà, « ces dernières années, des Tchadiens ont rejoint les FSR pour le salaire ».

Le Tchad, à l’ouest, est un prolongement naturel pour Hemetti, issu de la tribu des Rizeigat du Darfour : les cultivateurs et éleveurs menacés par la sécheresse y font peu de cas des frontières officielles. La plupart des chefs miliciens, dont Hemetti, ont des origines tchadiennes. Au fil des générations, ils ont recruté des hommes puis leurs fils, offrant à tous « des passeports soudanais et des terres abandonnées par des déplacés non arabes », assurait dès 2017 le centre de recherches Small Arms Survey.

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D’autres mercenaires soutiennent les FSR : ceux du groupe Wagner. Depuis que la Centrafrique voisine a fait appel, en 2018, à eux pour réprimer une rébellion, des diplomates occidentaux disaient voir passer des contingents de combattants russes à l’aéroport et dans les hôtels de Khartoum. Le Soudan sert de base arrière mais aussi de source de financement à Wagner : les mines d’or de la famille Daglo ont signé des contrats avec des prête-noms du patron de Wagner, Evgueni Prigojine, selon le Trésor américain. Aujourd’hui, « le groupe Wagner ne combat pas au Soudan, mais il a des conseillers techniques », assure à l’AFP l’expert américain Cameron Hudson.

« Bras armé »

La base arrière d’Hemetti, elle, se trouve en Libye. Les zones contrôlées par le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, constituent un « carrefour de livraisons d’armes aux FSR », d’après M. Krieg. « Les Emirats arabes unis ont envoyé aux hommes d’Haftar, entre 2019 et 2021, des tonnes d’armes, qui peuvent maintenant être données aux FSR sans être tracées », poursuit-il, signalant « des images d’armes émiraties découvertes au Soudan ».

D’autres étrangers se sont invités dans le chaos soudanais à la faveur de la fuite générale des diplomates, employés onusiens et autres expatriés. « Plusieurs petites compagnies privées, principalement composées d’anciens des forces spéciales britanniques, ont évacué des personnes moyennant parfois de 20 000 à 50 000 dollars », rapporte M. Hudson.

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Pour Alexander de Waal, spécialiste du Soudan, « l’argent et le mitraillage sont des monnaies interchangeables sur le marché politique soudanais ». Et, écrit-il dans la London Review of Books, « Hemetti fait commerce des deux ». Pour lui, « les FSR sont désormais une entreprise privée de mercenariat transnationale », « un opérateur d’extraction et de vente d’or » et le « bras armé de l’empire commercial d’Hemetti ». Si ce dernier l’emporte, estime-t-il, « l’Etat soudanais deviendra une succursale de cette entreprise transnationale ».

Le Monde avec AFP

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