Une policière et deux policiers, tous âgés de moins de trente ans, tués dimanche matin près de Lille par un chauffard abruti d’alcool et de drogue ; une infirmière poignardée à mort et une autre grièvement blessée lundi à l’hôpital de Reims par un déséquilibré récidiviste : ces deux faits divers tragiques sont liés par le profil de leurs victimes. Forces de l’ordre et personnels de santé font partie de ces métiers dits de « première ligne » qui ont émergé quand la France a été frappée par la pandémie de Covid.
À cette époque pas si lointaine, celle de la peur partagée et du confinement, policiers et soignants étaient exposés chaque jour au virus mortel. Ils ont évité le chaos et sauvé des vies. Tout cela sans protection efficace au début de la pandémie. La « première ligne », métaphore militaire directement inspirée des guerres de tranchées, n’était pas qu’une image : ces hommes et ces femmes risquaient leur peau pour la collectivité. Ce satané virus est aujourd’hui maîtrisé. Son affaiblissement semblait avoir relégué cette notion de « première ligne » au rang de mauvais souvenir.
Le décompte macabre des derniers jours démontre le contraire. La « première ligne » est toujours là, c’est le danger qui la menace qui a changé de nature. Le virus invisible a cédé la place à une violence endémique nourrie de troubles psychiatriques de plus en plus visibles, symptômes d’une société française en perte de repères et de « garde-fous ». Face à ces drames, il ne suffira pas de brandir la menace de sanctions plus fortes ou de multiplier les dispositifs de surveillance. Il faut traiter le mal à la racine, réinvestir le domaine de la psychiatrie, s’attaquer franchement à toutes les formes d’addiction et de violence et ne jamais détourner le regard des cas de désespérance sociale qui conduisent au pire. La feuille de route est exigeante mais les héros du quotidien méritent bien un tel effort.
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