« Ramener du service public et de la solidarité »
Nicolas Le Gac, 47 ans, dirigeant d’une association de cinéma documentaire à Lorient (Morbihan)
Recueilli par Raphaël Baldos
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
Je suis sidéré, et inquiet. Je m’accroche aux petits objectifs du quotidien, au travail et à la vie de famille. On n’est pas encore tous en prison ou menacés, mais ça va moyen.
Vous irez voter dimanche ou non ?
Je vais aller voter. En plus, c’est le jour de mon anniversaire. J’espère que j’aurai un joli cadeau (rires). Je suis toujours allé voter. Je donnerai ma voix au parti qui donne le plus de chances à la réconciliation, à l’humanisme. Contre la division. On doit tous aller voter.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
Oui. J’ai confiance dans le système. Chaque voix compte. La mienne autant que celle des autres, même si elle n’est pas toujours audible. Quand je vote pour Europe Écologie-Les Verts, je n’ai pas l’impression que cela sert à grand-chose, au vu des résultats. Mais c’est le jeu démocratique.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Je ne suis pas sûr qu’ils aient arrêté de le faire. Mais si on en est arrivé là, c’est qu’il manque de l’échange, de l’information, du débat contradictoire. La politique est devenue un plan de communication. Pour que les Français se parlent davantage, il faudrait ramener du service public, de la solidarité, redonner des moyens aux associations. Au lieu de cela, on leur apporte plutôt de la division, de la crainte. À force, on ne parle plus des choses essentielles.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élu député dimanche ?
Mettre en marche un plan climat, sauver l’hôpital… S’il faut en choisir une, ce serait l’annulation de la loi immigration, qui a fait beaucoup de mal à notre société. Ce texte porte une vision hypernégative de l’accueil et du vivre-ensemble. Depuis des années, les gouvernants déroulent tout doucement le tapis pour l’extrême droite : préférence nationale, répression de l’accueil des migrants… En insufflant de la méfiance contre les exilés, ils appellent à en faire les boucs émissaires de tous nos maux. Annuler cette loi, ce serait donc un symbole.
« En France, on confond la démocratie avec l’anarchie »
Amy Herbreteau, 42 ans, consultante à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine)
Recueilli par Capucine Taconet
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
Ça va, je prends tout avec philosophie. C’est un choc cette dissolution, mais ça fait partie de la vie politique. Je ne suis pas inquiète car je pense qu’il n’y a pas de hasard dans la vie. Ce qui doit arriver arrivera.
Vous irez voter dimanche ou non ?
Oui, je vote tout le temps. Mais j’ai un certain nombre d’amis qui ne votent pas. Certains se disent que tout est fait d’avance. Je sais déjà pour qui je vais voter. J’ai été d’accord pendant plusieurs années avec Macron car je comprenais sa logique mais ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui.
« Tout le monde regarde devant sa porte mais personne n’agit pour le commun. »
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
À mon niveau, je fais ma vie. Je suis de nature optimiste pour ma vie personnelle mais je suis pessimiste pour l’avenir de la société française. Tout le monde regarde devant sa porte mais personne n’agit pour le commun.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Je ne sais pas. Macron veut interdire les téléphones portables aux enfants avant 11 ans, c’est une bonne chose, mais difficile à appliquer. On est pris dans un engrenage avec le numérique, l’intelligence artificielle, censés nous ouvrir sur le monde mais paradoxalement ça nous replie sur nous-mêmes. Je le constate au travail, depuis le Covid, l’état d’esprit a beaucoup changé. Les gens voient qu’ils ne sont pas jugés s’ils ne viennent pas donc ils télétravaillent. On ne fait pas autant d’afterworks (rencontres entre collègues après le travail, NDLR) qu’avant.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élue députée dimanche ?
Est-ce qu’on peut encore faire quelque chose à l’heure actuelle ? Je me demande si ça n’est pas trop tard. J’aime vivre dans des pays autoritaires, avec une justice, une équité pour tout le monde. Des pays où on se sent en sécurité. En France, on confond la démocratie avec l’anarchie. Les gens font ce qu’ils veulent, il n’y a pas de civisme.
Je crois aussi qu’il faut chercher la cause des problèmes. Quand on parle de l’insécurité des quartiers et qu’on accuse les Noirs et les Arabes, on ne cherche pas la cause. En réalité, on a ghettoïsé les personnes. Elles n’arrivent pas à trouver du travail à cause du racisme. Je suis noire et je suis évidemment concernée quand il y a des délits de faciès. Je suis née en France et pourtant on me ramène toujours au fait d’être étrangère.
« Mettre en place une formation au bien commun »
Clémence de Lacombe, 25 ans, volontaire en service civique à Bondy (Seine-Saint-Denis)
Recueilli par Malo Tresca
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée, comment ça va ?
Pas très bien. Je me sens dépassée par la situation. J’essaie de m’informer au mieux, de suivre les rebondissements, mais ce n’est pas simple : nos repères politiques sont brouillés. Au moment de la présidentielle de 2022, j’étais déjà inquiète mais je sens là qu’une nouvelle bascule s’est opérée : cela se voit au manque de dialogue, à la radicalisation des discours… Je porte particulièrement l’avenir de la France dans mes prières.
Vous irez voter dimanche ou non ?
J’irai bien sûr voter. Pour moi c’est un droit mais surtout un devoir. Dans le 93, où je suis cette année, beaucoup de mes voisins ne veulent pas aller voter parce qu’ils n’y croient plus. Moi, le spectre de l’abstention m’inquiète particulièrement face à la montée des extrêmes.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
Oui, ne serait-ce déjà que par ma catégorie socioprofessionnelle. Et en même temps, c’est ambivalent : j’ai l’impression de compter de moins en moins parce que je trouve finalement assez peu de propositions répondant au mode de vie que j’ai envie d’embrasser – sur la question écologique, par exemple.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Si j’osais une blague, je dirais un barbecue géant ! Sans rire, je pense que nous manquons d’occasions fédératrices, pour nous retrouver. À Bondy, où je travaille cette année comme volontaire au Rocher – une association catholique d’éducation populaire, implantée au cœur des quartiers prioritaires –, nous participons à réduire la fracture sociale, en créant au quotidien de vraies amitiés.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élue députée dimanche ?
La mise en place d’une formation à l’écoute et au dialogue – obligatoire dans les écoles, dans des modules d’éducation civique par exemple – pour apprendre justement à se parler, à faire des compromis, à travailler ensemble au bien commun… Tout en limitant la tendance à l’individualisme ou au repli identitaire.
« Nous retrouver autour de valeurs de solidarité »
Jean-Philippe Moulinier, 54 ans, chef de cantine à Saintes (Charente-Maritime)
Recueilli par Louis Faurent
Depuis l’annonce de la dissolution, comment ça va ?
Un peu comme tout le monde, j’ai été très surpris par cette annonce. Je me suis demandé s’il le faisait vraiment pour écouter les Français, comme il l’a dit, ou si c’était un coup de poker en espérant que les électeurs rejettent les extrêmes. En tout cas, je suis l’actualité avec attention parce que l’enjeu est important. L’élection aura des conséquences sur le plan national, mais surtout en matière de géopolitique.
Dimanche, vous irez voter ou non ?
J’irai voter, bien sûr, comme chaque fois. Ce droit est un devoir, surtout dans ce contexte de montée des extrêmes.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
J’estime que je ne peux pas me plaindre là-dessus. J’ai le droit de m’exprimer par le vote et si je veux que mon avis soit davantage pris en compte, j’ai la possibilité de m’engager dans des associations, des partis, etc. Néanmoins, même en manifestant plus son point de vue, il n’est pas évident que les actes suivent. La Convention citoyenne pour le climat était par exemple une bonne idée. La société civile a été entendue mais son avis n’a pas vraiment été pris en compte.
« Voter est un devoir, surtout dans ce contexte de montée des extrêmes. »
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Nous devons nous retrouver autour de valeurs de partage, d’entraide et de solidarité. Et ce n’est pas impossible. Les Français sont généreux, regardez le Téléthon. Ils savent aussi s’unir dans des moments festifs, comme le sport : si la France gagne l’Euro, tout le pays sera heureux ensemble ! Et d’autres exemples montrent que nous pouvons nous parler. La fête des voisins, par exemple, n’est pas la panacée, mais elle prouve que si nous prenons le temps d’échanger avec l’autre, nous découvrons qu’il n’est pas si différent.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élu député dimanche ?
Une loi pour le bien-manger, forcément ! Je demanderais à augmenter les aides pour les agriculteurs bio et à développer le commerce équitable.
« Un pays qui récompense ceux qui ne font rien et punit ceux qui travaillent »
Régis Rojo, 60 ans, coiffeur à Pessac (Gironde)
Recueilli par Capucine Taconet
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
Rien n’a changé dans ma vie. Je me sens loin de toutes ces batailles politiques. On ne maîtrise pas grand-chose, à moins d’être planté devant son poste de télé tous les jours. J’ai vécu un an en Suisse, il y a beaucoup de référendums et les gens sont impliqués. En France, il n’y a aucune collectivité dans l’âme.
Vous irez voter dimanche ou non ?
Il y a des années où je ne votais plus, par laxisme et parce que le pays n’allait pas trop mal. Mais là, je vais aller voter. Je ne sais cependant pas pour qui. Dans mon salon de coiffure, tout le monde parle des élections et les gens ont envie qu’on pense comme eux. Alors selon les clients, je suis de droite, de gauche, je vote blanc…
L’immigration, la dette, le service public, sont les sujets auxquels je suis le plus attentif. Aujourd’hui, on voit bien qu’on ne maîtrise pas l’immigration. On est dépassés. Il faut pouvoir vivre ensemble si on reçoit des gens. La dette, c’est encore autre chose. Je remets en cause le train de vie d’abondance des hommes politiques.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
Oui, avec le pognon que je donne à mon pays, à mon gouvernement, je dois compter ! Mais je ne reçois pas des médailles pour ça. C’est un pays où on récompense ceux qui ne font rien et on punit ceux qui travaillent. Cela fait quarante-quatre ans que je travaille, je vais avoir une retraite très modeste, donc je vais continuer à travailler pour vivre décemment.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Rematérialiser notre environnement administratif et jeter nos téléphones portables ! Mais ça veut dire revenir en arrière. Quand ça n’existait pas, c’était extraordinaire. Il faut réapprendre la rigueur et la patience dans le système éducatif. Plus on peut zapper, plus on est impatient. Sur les dix dernières années, j’ai eu beaucoup de mal à garder mon personnel. Après l’enthousiasme des débuts, il baissait les bras.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élu député dimanche ?
La considération du vote blanc. Que ça puisse être un moyen de pression pour bloquer une élection.
« Je me sens un peu coupable d’avoir quitté la France »
Abdessamad Idzina, 35 ans, entrepreneur à Casablanca (Maroc)
Recueilli par Capucine Taconet
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
C’est assez spécial, je suis partagé. Au moment de l’annonce, j’étais à l’aéroport avec ma femme. Nous avons décidé il y a quelques mois de quitter la France, et nous avons finalement déménagé le jour de la dissolution. Épuisés par les batailles politiques et le climat anxiogène et attirés par la très belle dynamique et qualité de vie au Maroc. Je continue à travailler entre les deux pays dans l’énergie et la construction durable. Étant un éternel optimiste, j’espère que ces élections permettront un nouveau départ à la France.
Vous irez voter dimanche ou non ?
J’ai beaucoup hésité mais l’instant est grave donc je vais faire une procuration. Je me sens un peu coupable d’avoir quitté la France. Beaucoup de personnes d’origine marocaine se questionnent sur un retour au Maroc. Ces derniers temps, nous ne sommes pas respectés. Je suis musulman pratiquant, ma mère et une de mes sœurs portent le voile. Ça mine d’entendre des discours matraqués au quotidien. C’est blessant et, à la fin, on n’a plus envie de se battre.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
Je ne me pose pas la question mais j’agis pour compter dans la société. En tant qu’entrepreneur, on n’est pas considéré. La société française, elle, pourra toujours compter sur nous.
« Étant un éternel optimiste, j’espère que ces élections permettront un nouveau départ à la France. »
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Les Français parlent beaucoup mais ne s’écoutent pas sincèrement. Au Maroc, je constate combien chacun donne le meilleur de soi pour préparer la Coupe du monde de football de 2030. En France, il n’y a pas cet esprit de corps pour les Jeux olympiques. On se demande comment on peut rentabiliser au mieux la location de son logement. Si même des événements sportifs n’arrivent pas à fédérer, je ne sais pas ce qui permettrait aux gens de se reparler.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élu député dimanche ?
En priorité, je me concentrerais sur la représentativité des élus. Il faut qu’on revienne à la base, avec des personnes de la société civile. Comme avec la Convention citoyenne. Les propositions sont très percutantes, on sent que les gens se parlent et s’écoutent vraiment !
« C’est la meilleure chose qui pouvait arriver à la France »
Mounir Daoudi, 45 ans, moniteur d’auto-école au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis)
Recueilli par Capucine Taconet
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
Ça va bien ! J’ai le sentiment que, pour la première fois depuis la dissolution effectuée par Jacques Chirac, la France va réellement se retrouver face à elle-même. Elle doit décider si elle veut un gouvernement de droite et d’extrême droite ou de gauche et d’extrême gauche. C’est la meilleure chose qui pouvait lui arriver.
Vous irez voter dimanche ou non ?
Dimanche, je ne voterai pas. Lorsque je me déplace aux urnes, je ne veux pas y aller pour voter contre un projet ou un parti, je veux voter pour. Or, je ne suis pas d’accord avec les alliances qui sont faites. En tant que Franco-Marocain, je ne me sens pas totalement français et je veux laisser les Français choisir ce qu’ils veulent.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
Oui, je sens que je compte grâce à la proximité que j’ai avec mon entourage. J’ai la chance d’habiter un lieu où je me sens libre de m’exprimer. Je rayonne sur la société par mon travail. Grâce à mes vidéos sur le permis de conduire, j’aide des centaines de milliers de personnes chaque année à mieux comprendre ce qu’on attend d’elles, et à économiser de l’argent.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Il faudrait qu’il y ait moins de promotion mais plus d’éducation sur le service public à la télévision. Au lieu d’être une salle de cinéma, la télé devrait être un forum, un lieu de débat. Il y avait deux émissions au début des années 2000 dans lesquelles on savait que la parole était vraiment libre et pouvait être exprimée avec respect : « Tout le monde en parle », et « On ne peut pas plaire à tout le monde ».
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élu député dimanche ?
Je ferais une loi pour que le vote soit obligatoire pour tous les Français, pour avoir le vrai visage de la société française.
« Le sentiment que tout se passe à Paris et pour Paris »
Christophe Ducroz, 54 ans, guide de haute montagne à Samoëns (Haute-Savoie)
Recueilli par Eve Guyot
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
Le dimanche, je suis rentré in extremis du Grand Paradis (sommet des Alpes italiennes, NDLR) pour aller voter et comme j’ai essayé de me tenir un peu plus au courant que d’habitude, j’ai appris tout ça le lendemain en allumant la radio… Je m’attendais à ce qu’on en arrive là car la haine et le rejet se propagent doucement depuis trente ans : pour moi, ça a commencé par « le bruit et l’odeur », de la part d’un grand responsable politique, et ça a continué avec le coup du « Kärcher ». Après, j’ai arrêté de compter. Mais ce que je vois depuis dimanche me fait peur : plus personne n’a de scrupule à afficher ces idées et certains sont même prêts à se les approprier pour avoir ne serait-ce qu’une petite part de pouvoir.
Dimanche, vous irez voter ou vous vous abstiendrez ?
Je rentre de montagne vers 17 h 30 et les bureaux ferment à 18 heures, mais une demi-heure est amplement suffisante pour mettre un papier dans une urne. J’espère de tout cœur que tous les Français, notamment les abstentionnistes, se le rappelleront.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
Je suis travailleur indépendant et je donne la moitié de ce que je gagne à l’État : autant dire qu’on ne m’oublie pas quand il s’agit des cotisations (rires). Pour le reste, ici, je n’ai l’impression d’être ni consulté ni respecté. Que tout se passe à Paris et pour Paris.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Je pense qu’on devrait jeter un œil sur le passé. D’abord, sur l’origine de nos propres familles qui, bien plus souvent qu’on ne le croit, implique des étrangers venus en France pour étudier, échapper à la guerre ou fuir une crise économique… Ensuite, sur l’histoire, pour se souvenir des idéologies contre lesquelles nos grands-parents se sont battus, il y a moins d’un siècle. Ça pourrait élargir les consciences !
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élu député dimanche ?
Je ferais en sorte que l’État reprenne, en urgence, le flambeau des Restos du cœur. De plus en plus de gens sont sur le carreau et voilà qu’aujourd’hui ceux qui les ont toujours aidés sont eux-mêmes en difficulté. L’économie devrait être recentrée sur ce problème !
« Mon défi, c’est de motiver les gens pour aller voter »
Emmanuelle Gascons, 49 ans, infirmière à Labastide-Rouairoux (Tarn)
Recueilli par Capucine Taconet
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
J’ai été prise de court, comme tout le monde. Enfin, il se passe quelque chose. On a l’impression d’être plus acteur de ce qu’il se passe, avec les nouvelles élections.
Vous irez voter dimanche ou non ?
Je vais aller voter, comme toujours. Je voterai pour le Nouveau Front populaire. L’union de la gauche simplifie mon choix. À mon niveau, mon défi c’est de motiver les gens à aller voter. Mon fils qui habite à deux heures de route a prévu de faire le trajet à chaque tour pour aller voter.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
J’ai un métier qui me donne une place essentielle dans ma commune et auprès de mes proches. C’est un peu regrettable toutefois que la santé n’ait pas davantage sa place dans les politiques publiques. L’accès aux soins se complique de plus en plus, surtout en zone rurale. C’est un sujet très épineux, qui génère de l’anxiété. Je travaille pour une maison de santé, et ceux qui ne font pas partie de notre patientèle sont désemparés, voire agressifs, face à la difficulté d’avoir un médecin traitant.
« Quand on apprend à se connaître, on ne se déteste pas. »
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Couper la télé ! Quand j’étais petite, je me souviens d’une coupure d’électricité qui avait mis tous les voisins dehors. Il faut remettre des bancs pour les personnes âgées. Autrefois, les habitants se retrouvaient au lavoir, pour laver le linge et discuter. Il a été rebouché depuis. Il faut avoir des lieux pour se rencontrer. Quand on apprend à se connaître, on ne se déteste pas.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élue députée dimanche ?
Je voudrais remettre la priorité sur nos besoins fondamentaux. Notamment l’accès à une alimentation saine et locale. Cela permet en plus de tisser des liens. Ici, on a des maraîchers en vente directe avec qui on peut discuter.
« Je voterai blanc »
Grégory Vincent, 46 ans, maître-nageur à Brive-la-Gaillarde (Corrèze)
Recueilli par Capucine Taconet
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
Je ne comprends pas trop le principe de la dissolution de l’Assemblée. Est-ce que c’est pour provoquer les gens : « Vous avez voulu le RN, alors allez-y ! » ? Ou bien Emmanuel Macron pèche par orgueil ? Ce n’est pas une décision à la hauteur de ceux qui doivent nous gouverner. Je suis inquiet à l’idée que mon pays passe à l’extrême droite, ce ne sont pas mes convictions. Cependant, je comprends le ressentiment des gens, lorsqu’on voit le délitement de l’hôpital et des services publics.
Vous irez voter dimanche ou non ?
J’irai voter dimanche pour faire mon devoir citoyen, mais je voterai blanc. Ni pour le parti de Macron ni pour Les Républicains. Je ne me sens pas concerné par ces gens-là. La gauche, elle, est inexistante. Elle se rassemble par opportunisme. Côté Rassemblement national, c’est du marketing. On met Bardella parce qu’il présente bien. Les jeunes générations ne savent pas ce que Jean-Marie Le Pen a dit sur les chambres à gaz.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
Les citoyens ne comptent plus dans la société depuis longtemps. Le référendum sur l’Europe en 2005 a été un déclic pour moi. J’ai compris que c’était une mascarade. J’aime mon pays mais si j’avais plus de moyens, je réfléchirais peut-être à le quitter. Il y a quelques années, j’ai adhéré aux Républicains, je voulais m’impliquer. J’ai vu comment cela fonctionnait de l’intérieur et j’ai été profondément déçu.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
C’est localement qu’on va pouvoir recréer du lien. La France a la chance d’avoir un tissu associatif fort. Je suis président d’une association de sauveteurs aquatiques et je constate que lorsque des personnes sont là pour fédérer, les gens répondent présent.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élu député dimanche ?
Il faut redonner du sens au travail. Je ne trouve pas normal que les parents dont les enfants sont placés en famille d’accueil continuent de percevoir des aides sociales. Cela peut sembler peu humaniste, mais il faut des règles justes dans la société.
« Je vis un moment d’histoire »
Sara Minas, 31 ans, enseignante à Mayotte, coordinatrice académique de la mission de lutte contre le décrochage scolaire de collégiens
Recueilli par Pascal Charrier
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
Les résultats des élections européennes ne m’ont pas surprise mais je ne m’attendais pas du tout à la dissolution de l’Assemblée. J’ai toujours du mal à comprendre la décision d’Emmanuel Macron et je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure des solutions pour l’avenir.
D’un autre côté, je suis un peu excitée par cette période. J’enseigne à mes élèves le principe de la dissolution, c’est toujours un moment marquant de l’histoire politique française. En 1997, quand Jacques Chirac a dissous l’Assemblée, j’étais toute petite. Là, je vis un moment d’histoire qui sera écrit dans les manuels.
Vous irez voter dimanche ou non ?
Je vais voter, ah oui, c’est sûr. C’est hyper important d’y aller pour les deux tours, de manière massive. C’est le moment ou jamais pour les Français de faire entendre leur voix.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
À Mayotte, je ne me reconnais pas forcément dans les choix des autres électeurs ni dans les propos des deux députés élus localement. Les débats tournent essentiellement autour de la question de l’immigration comorienne et le score du Rassemblement national est très élevé.
Du coup, je ne me sens pas beaucoup concernée par la politique au niveau local. Au niveau national, j’ai davantage l’impression d’avoir une voix qui compte et que voter sert à quelque chose.
« C’est le moment ou jamais pour les Français de faire entendre leur voix. »
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Il faut que l’on se détache des réseaux sociaux. Je trouve que l’on ne sait plus se parler, d’une manière générale, depuis leur avènement. Tout le monde s’y engueule et s’y insulte, personne n’est capable de dialoguer. Je le vois chez mes élèves.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élue députée dimanche ?
Je demanderais à retravailler la loi retraite, pas forcément à l’abroger. Les parents de mes amis qui ont la soixantaine sont complètement cassés. Deux ans de plus à travailler, c’est quand même beaucoup. De manière plus égoïste, je me dis qu’on m’a déjà ajouté deux ans de travail. Cela sera combien quand j’aurai l’âge de la retraite ?
« Arrêtons de monter les gens les uns contre les autres »
Yannick Le Borgne-Larivière, 51 ans, chef d’entreprise à Nazelles-Négron (Indre-et-Loire)
Recueilli par Xavier Renard
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
Bien ! Mais il y a une petite dualité entre mon cas personnel et le sort du pays qui va mal. Est-ce que je continuerai à aller bien si le pays continue de s’enfoncer ? Je ne sais pas.
Vous irez voter dimanche ou non ?
Oui, c’est mon éducation et c’est mon boulot de citoyen. Je sais déjà – malheureusement – pour quel candidat me prononcer. On nous donne le choix entre Charybde et Scylla. Je vais rester au milieu, et ce ne sera pas par enthousiasme.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
En ce moment, non. Le maire de ma commune a fait installer un camp de gens du voyage sur un terrain qui m’appartient. Il n’a pas fait le travail nécessaire pour les faire partir. Cela a créé de gros dégâts dans mon entreprise, notamment sur le réseau électrique, avec des conséquences sur la production. Je me suis aperçu qu’on ne pouvait pas compter sur les services de l’État. Mes plaintes ont été classées sans suite. Mais je contribue à mon petit niveau, en donnant un peu d’argent à des associations sportives, en participant à la vie de la collectivité et en étant employeur.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Déjà, ce serait bien qu’on arrête de nous monter les uns contre les autres. Dans certaines radios ou à la télévision, les émissions ont juste la volonté de laisser des polémistes s’écharper. Il faudrait aussi donner plus de temps dans la vie économique, qui a besoin de stabilité.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élu député dimanche ?
Par rapport à notre histoire familiale, je m’occuperais de l’école. Nos trois enfants sont diagnostiqués HPI avec un léger syndrome autistique. Deux ont ou ont eu des phobies scolaires. Il y a beaucoup à faire pour scolariser dans de meilleures conditions les 20 à 25 % d’enfants en souffrance à l’école, avec beaucoup plus de formation des professeurs, une organisation un peu différente, le développement des cours à distance et de programmes interactifs sur Internet. Cela va de pair avec une augmentation des moyens de l’éducation nationale.
« Multiplier les lieux de rencontre entre personnes différentes »
Charlotte Patin, 46 ans, directrice du magasin Biocoop de Guérande (Loire-Atlantique), après avoir été responsable d’une épicerie « Nous anti-gaspi » au Pouliguen
Recueilli par Florence Pagneux
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
Moyennement bien. J’ai été très surprise par la montée du RN dans notre territoire si privilégié. Voir Jordan Bardella en tête à Pornichet ou à La Baule, c’est incompréhensible. Je ne comprends pas non plus la tactique du président. Est-ce un moyen de mettre le RN aux responsabilités pour montrer ce que cela donne avant 2027 ? Est-ce une façon de déstructurer les organisations politiques à droite comme à gauche ? Où est la logique ?
« Le spectacle politique qui nous est offert en ce moment est assez désarmant. »
Vous irez voter dimanche ou non ?
J’irai voter dans la même ligne que mon vote aux élections européennes. Ce qui m’importe, c’est la stabilité pour que les engagements qui ont été pris se poursuivent, notamment sur le plan écologique. Le spectacle politique qui nous est offert en ce moment est assez désarmant et on mesure à quel point les partis politiques sont fragiles.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
Oui, car je suis dans l’action. Dans mon magasin, on soutient les producteurs locaux, on utilise des énergies renouvelables, des emballages écoresponsables… Ce que je regrette, c’est que le réchauffement climatique ne soit pas la priorité politique du moment. Il faut arrêter de ne penser qu’à très court terme.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Il faudrait multiplier les lieux de rencontre entre personnes différentes. Des recycleries comme Emmaüs sont des lieux d’entraide et de brassage à développer car des personnes immigrées et en insertion y côtoient des clients plus bourgeois. C’est le meilleur moyen d’apprendre à connaître l’autre et de ne plus en avoir peur.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élue députée dimanche ?
Je ferais en sorte d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés par un passage du temps de travail de 35 à 38 heures et une revalorisation du taux horaire chez les employés et agents de maîtrise. Beaucoup de Français sont prêts à travailler plus pour augmenter leur niveau de vie. Ils auraient moins de frustrations et de ressentiment à l’égard d’autrui. Et les entreprises qui ont des difficultés à recruter pourraient satisfaire leur besoin en personnel.
« Ne pas laisser impunis les petits actes de délinquance »
Élisabeth Paris, 61 ans, intérimaire, ancienne conductrice de bus, Pézilla-la-Rivière (Pyrénées-Orientales)
Recueilli par Ysis Percq
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, comment ça va ?
Je ne pensais pas qu’on en arriverait là, j’ai été surprise. La politique est devenue un bordel monstre. Depuis, je n’ai pas changé mes habitudes. J’en parle un peu avec ma mère, au téléphone. On est à peu près du même bord. Mais je suis dans ma petite coquille, chez moi, et j’y suis bien. Je regarde de moins en moins le journal et je cherche plutôt les bonnes nouvelles. Comme hier, j’ai écouté des sportifs paralympiques à la télé, ça m’a touchée.
Vous irez voter dimanche ou non ?
Je n’ai jamais raté un seul scrutin. Je veux que personne ne pense pour moi, à ma place. Ce qui m’inquiète, ce n’est pas l’inflation mais l’insécurité et la justice qui laisse trop de délinquants impunis. Je sais déjà ce que je vais voter. Je ne vote jamais pour les extrêmes ni pour ceux dont on ne sait pas vraiment qui sera tête de liste. Je vais voter pour le plus sensé, le plus raisonnable.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
Oui. J’ai le sentiment que mon petit grain de sable est bien là, quelque part dans la société. Je trouve qu’il y a des lois qui me protègent, des mesures qui tiennent compte de ma situation. France Travail m’aide quand j’en ai besoin, j’ai des renseignements sur ma retraite. Bon, la MSA (la sécurité sociale agricole, Élisabeth est une ancienne agricultrice, NDLR) a perdu trois fois mon dossier mais je suis patiente. Même si, parfois, je rue dans les brancards, je sens que je ne suis pas qu’un numéro.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
J’habite dans un village et c’est une chance. Ici, on se dit bonjour et on prend soin de nos aînés. Il faudrait organiser plus de fêtes de quartier et plus de fêtes des voisins.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élue députée dimanche ?
Je ferais en sorte que tous les délinquants, aussi mineurs qu’ils soient, soient porteurs d’une puce ou d’un bracelet, genre électronique, pour qu’ils ne restent pas impunis. Les petits délits accomplis par des mineurs sont trop souvent suivis de vols, d’agressions.
« En multipliant les normes, on les rend incohérentes »
Véronique Debroise, 63 ans, créatrice de jeux à Paris et à Romans-sur-Isère (Drôme)
Recueilli par Arnaud Alibert
Depuis l’annonce de la dissolution, comment ça va ?
L’annonce de la dissolution m’a inquiétée : à la veille des JO, après beaucoup de manifestations, comment les pays étrangers nous perçoivent-ils ? Mais je ne suis pas surprise, je m’y attendais pour la rentrée, en particulier en entendant les débats sur le budget et les dépenses publiques.
« L’environnement ne devrait pas appartenir à un seul parti, tous doivent s’en préoccuper. »
Vous irez voter dimanche ou non ?
J’irai voter, évidemment, et je pousserai autour de moi à en faire autant. Nous avons besoin de députés qui nous connaissent et nous défendent. Dans l’industrie du parfum et du jeu pour enfants où je suis entrepreneuse, les normes sont mon quotidien, hélas ! Leur travail a beaucoup d’impact sur le nôtre. Et par ailleurs, je crains la surenchère des promesses où l’argent est distribué de manière surréaliste.
Avez-vous le sentiment de compter dans la société française ?
Ce qui compte, c’est le choix que nous avons fait de produire en France, pour des produits de qualité qui respectent l’environnement. Pour moi, l’environnement ne devrait pas appartenir à un seul parti, tous doivent s’en préoccuper. Pour croire au made in France, il faut aimer le travail bien fait.
Une idée pour que les Français se reparlent ?
Le dialogue aujourd’hui est difficile, je croise beaucoup de gens campés dans leurs idées. J’espère qu’il n’y aura pas trop d’extrêmes parmi nos députés, car nous avons besoin d’élus raisonnables. Il s’agit d’apaiser les tensions. Les gens sont suffisamment mal dans leur peau et parfois violents comme cela ! Je pense qu’il ne faut pas donner la parole à ceux qui s’expriment avec des mots extrêmes.
La première mesure que vous feriez voter si vous étiez élue députée dimanche ?
Dans mon travail d’industrie du jeu, les limites de l’action sont essentiellement définies par les normes. La difficulté est qu’à force de les multiplier pour mieux protéger les consommateurs, on les rend incohérentes. Il arrive même qu’il faille préférer les produits de la chimie aux produits naturels parce que la nature mêle les substances et est finalement moins pure. Je décréterais un moratoire sur ces normes.
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