Bien que le taux d’inflation soit descendu à son niveau le plus bas en deux ans au Canada, les prix des aliments restent élevés. L’indice des prix à la consommation a ralenti à 2,8 % en juin par rapport à l’année dernière, mais le coût de la nourriture a augmenté de 8,3 % et de 9,1 % lorsqu’acheté en magasins.
L’écart entre l’inflation générale et le prix de la nourriture est déroutant — et frustrant, d’autant plus que les hausses de taux d’intérêt de la Banque du Canada ne semblent pas avoir d’incidence. En période de forte inflation, les banques centrales augmentent les taux d’intérêt pour modérer les hausses de prix ou, idéalement, les faire baisser.
Cependant, les prix des aliments ne réagissent pas aux politiques de taux d’intérêt comme ceux d’autres biens de consommation.
En effet, la demande de produits alimentaires est relativement stable — nous ne pouvons pas remettre à plus tard l’achat de nourriture de la même façon que nous pourrions le faire pour l’achat d’un nouvel ordinateur ou d’une nouvelle voiture.
Si les taux d’intérêt ne contribuent pas à faire baisser les prix des aliments, qu’est-ce qui le fera ?
Rapport du Bureau de la concurrence
Le Bureau de la concurrence, l’institution responsable de superviser la concurrence au Canada, a récemment publié un rapport qui appelle à une plus grande concurrence dans le secteur alimentaire au pays, ce qui pourrait contribuer à réduire les prix élevés.
Le rapport reconnaît également que certains commerçants ont des activités autres que l’épicerie, ce qui peut brouiller les pistes en ce qui concerne les marges. Ainsi, les dirigeants de Loblaw ont attribué la croissance de l’entreprise à l’augmentation des ventes de Shoppers Drug Mart (Pharmaprix au Québec).
De son côté, Eric La Flèche, PDG de Metro, a déclaré en mars au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire que la marge sur les produits alimentaires de Metro avait en fait diminué, mais qu’elle avait été compensée par une marge plus élevée sur les produits pharmaceutiques.
Le PDG de Sobeys a déclaré que son entreprise n’avait pas connu la même croissance que Metro et Loblaws parce que ses activités pharmaceutiques sont plus modestes. Cependant, le rapport du Bureau de la concurrence n’en a pas tenu compte, se concentrant plutôt sur la croissance des bénéfices individuels, qui était similaire pour les trois grandes marques.
Bien qu’il ne s’agisse que d’un petit échantillon, si la croissance des marges jouait réellement un rôle important, nous nous attendrions à ce qu’elle se reflète plus directement dans la croissance des bénéfices.
Compétition étrangère
Le rapport du Bureau de la concurrence laisse également entendre qu’une concurrence étrangère accrue profiterait aux consommateurs canadiens, mais que les concurrents étrangers considèrent le marché canadien difficile à pénétrer.
Un porte-parole du Conseil canadien du commerce de détail a déclaré que les concurrents étrangers ne pensaient pas être en mesure de rivaliser les prix offerts par les détaillants canadiens. Dans ces conditions, il est difficile de voir comment la concurrence étrangère pourrait réellement contribuer à les faire baisser.
Le manque de concurrence dans le commerce au détail peut être préoccupant s’il permet aux entreprises de faire des profits plus élevés sur le dos des consommateurs. D’un autre côté, des économies d’échelle sont réalisées lorsque les entreprises mettent en place des réseaux de distribution efficaces et achètent en plus gros volume.
Toutefois, le rapport ne dit rien sur les compromis entre le manque de concurrence et les économies d’échelle. Si trop de gains d’efficacité sont perdus en raison d’une moindre concurrence, les prix pourraient en fait augmenter.
Il convient de souligner que lorsque Sobeys a acquis une participation majoritaire dans Longo’s (une chaîne d’épicerie régionale haut de gamme en Ontario), elle a mis en avant la distribution et l’approvisionnement comme principaux avantages de l’opération. Longo’s fonctionnera comme elle l’a toujours fait, mais bénéficiera de meilleurs achats et d’une distribution réduisant les coûts.
Si tout cela est vrai, quelle est la cause réelle de l’inflation des prix des aliments ?
Plus d’un facteur à blâmer pour la hausse du prix des aliments
Le fait est qu’il existe une combinaison de facteurs qui affectent les différentes catégories de produits alimentaires et qu’on ne peut trouver un seul à l’origine de l’augmentation des prix du panier d’épicerie au Canada.
Les graisses et les huiles alimentaires ont augmenté de près de 20 % au cours de la dernière année, tandis que le jambon et le bacon ont diminué de 3,4 %. Cela suggère que les différences de prix ont des causes diverses.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a eu un impact significatif sur les prix du blé et des huiles alimentaires. Par conséquent, les produits à base de blé comme les pâtes, le pain et la farine ont vu leurs prix monter en flèche.
L’impact de la guerre a été aggravé par le fait que les pays ont limité leurs exportations pour protéger leurs besoins domestiques. L’Inde a réduit ses exportations de blé, l’Argentine a fait de même et aussi limité ses exportations d’huile de soja tandis que l’Indonésie a limité ses exportations d’huile de palme. Cette situation accentue encore la pression sur les prix.
Bien qu’il y ait eu un court répit lorsque la Turquie a négocié un accord avec la Russie pour permettre l’écoulement de céréales ukrainiennes, cette dernière a récemment déclaré qu’elle ne renouvellerait pas l’accord et qu’elle était en train d’attaquer et de détruire les infrastructures d’exportation ukrainiennes. Les prix pourraient donc à nouveau augmenter.
Une tempête parfaite
Les conditions météorologiques extrêmes ont également joué un rôle important dans l’inflation des prix des produits alimentaires. Les inondations dans la vallée de Salinas, en Californie, ont perturbé la production de laitues et de tomates, ce qui a entraîné une hausse des prix de ces produits.
L’Europe a fait face à des augmentations de prix et des pénuries de produits cet hiver en raison des mauvaises conditions météorologiques en Afrique du Nord et dans le sud de l’Europe. Comme les événements météorologiques deviennent plus intenses et plus fréquents en raison des changements climatiques, ces problèmes risquent de continuer de s’aggraver.
En plus des conditions météorologiques extrêmes, d’autres facteurs tels que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et la volatilité des taux de change contribuent également aux changements des prix des produits alimentaires.
Tous ces facteurs se produisent simultanément et créent une tempête parfaite en matière d’augmentation des prix du panier d’épicerie. En raison de la multiplicité des facteurs en jeu, il n’y a malheureusement pas de cause unique à la hausse des prix des aliments. Il s’agit d’une situation complexe qui nécessitera une réflexion approfondie et des approches multiples.
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