« Allons-y. Bienvenue sur Threads. » C’est ainsi que le PDG de Meta, Mark Zuckerberg, a lancé son réseau social baptisé Threads, sur son propre compte, jeudi 6 juillet. « Nous venons juste de passer les 5 millions d’inscriptions au cours des quatre premières heures », a ensuite posté le patron de la maison mère de Facebook, signe du démarrage en trombe de cette nouvelle application de conversation écrite aux caractéristiques proches de celles de Twitter avec laquelle elle veut rivaliser.
La description de Threads (« fils » en anglais) sur l’Apple Store annonce « l’app de conversations écrites d’Instagram. ». Elle a été mise en ligne juste après minuit jeudi (heure du Royaume-Uni, 1 heure du matin en France) dans les magasins d’applications Apple et Google Android, dans plus de cent pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada et le Japon, mais pas dans l’Union européenne (UE).
Le patron d’Instagram, Adam Mosseri, a regretté que le déploiement de Threads en Europe soit repoussé, expliquant que si Meta avait dû attendre l’aval de Bruxelles, la mise en ligne aurait elle aussi attendu de nombreux mois. « J’étais inquiet de voir notre fenêtre se fermer, parce que le timing est important », a-t-il justifié auprès du site spécialisé Platformer.
Message ironique du cofondateur de Twitter
« Nous espérons que [Threads] puisse être une plate-forme ouverte et accueillante pour les discussions », a décrit M. Mosseri. « Si c’est aussi ce que vous voulez, le meilleur moyen, c’est d’être bienveillant. »
La présentation de cette nouvelle application apparaît proche de celle de Twitter, avec un fil général, sur lequel figurent déjà de nombreux comptes d’acteurs institutionnels, notamment Netflix ou celui du site d’information spécialisé The Hollywood Reporter.
Les messages sont limités à 500 caractères − ce qui est supérieur au seuil gratuit de 280 caractères de Twitter − et peuvent inclure des liens, des photos et des vidéos d’une durée maximale de cinq minutes.
Threads pourrait collecter un large éventail d’informations personnelles, y compris sur la santé, les finances, les contacts, l’historique de navigation et de recherche, les données de localisation, les achats et les « informations sensibles », selon sa divulgation de confidentialité des données sur l’App Store.
Le cofondateur de Twitter, Jack Dorsey, l’a souligné dans un tweet sarcastique disant : « Tous vos fils nous appartiennent » qui comprenait une capture d’écran de la divulgation. Le propriétaire de Twitter, Elon Musk, a répondu « ouais ».
« Le timing est très bon pour Meta »
La mise en ligne de Threads intervient quatre mois seulement après que les premiers échos du projet ont filtré, et quelques jours seulement après une nouvelle péripétie chez Twitter, dont le réseau social ressort affaibli. Samedi, l’actionnaire principal Elon Musk a annoncé la mise en place, officiellement à titre provisoire, d’une limite au nombre de messages consultables par compte et par jour, qui a pris à rebrousse-poil usagers, annonceurs et développeurs.
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Une décision qui intervient après plusieurs autres mal accueillies depuis la prise de contrôle du milliardaire, notamment la transformation en service payant de la vérification d’un compte ou le licenciement de la quasi-totalité des équipes de modération des contenus. Lundi, Twitter a aussi révélé que le tableau de bord TweetDeck, très populaire chez les utilisateurs actifs, ne serait bientôt plus accessible qu’aux comptes vérifiés, donc payants.
« Le timing est très bon pour Meta », a commenté Jonathan Taplin, auteur de deux ouvrages sur les géants de la tech, dont The End of Reality, à paraître en septembre. « Il y a des tas de gens qui ont une résistance presque religieuse à tout ce qui touche à Elon Musk. »
L’impact immédiat de ce lancement pourrait néanmoins être limité par le fait que Meta a choisi d’attendre avant de proposer Threads aux résidents de l’UE. Le géant veut se donner le temps de clarifier les conséquences pour la société et ses produits du nouveau règlement des marchés numériques (DMA), entré en vigueur début mai. Le DMA vise à imposer des règles spécifiques aux entreprises incontournables d’Internet, notamment Meta, pour éviter des pratiques anticoncurrentielles.
Emanation d’Instagram
Meta ne fait pas mystère des synergies sur lesquelles il entend s’appuyer pour faire croître rapidement son nouveau-né, le présentant d’entrée comme une émanation d’Instagram. Ce dernier « est le produit de la famille Meta qui a le plus de succès », rappelle Pinar Yildirim, professeure de marketing à l’école Wharton de l’université de Pennsylvanie. « Ils ne pouvaient pas associer ce nouveau produit à Facebook, parce que ce nom ne fait plus rêver personne. »
Avec ses plus de deux milliards d’utilisateurs actifs, Instagram offre à Threads une rampe de lancement dont n’auraient pu rêver les petits compétiteurs de Twitter, de Mastodon à Bluesky, en passant par les sites prisés des ultra-conservateurs comme Truth Social, Parler, Gettr ou Gab. Threads permet ainsi aux utilisateurs d’Instagram d’être authentifiés avec leurs identifiants existants pour poster du contenu sur la nouvelle plate-forme.
« L’équation est simple : si un utilisateur d’Instagram avec un nombre important d’abonnés, comme [Kim] Kardashian ou [Justin] Bieber ou [Lionel] Messi se met à poster sur Threads régulièrement, cette nouvelle plate-forme pourrait se développer rapidement et je pense que les budgets publicitaires suivraient dans un délai resserré », a écrit l’analyste Brian Wieser sur Substack.
Quelques célébrités semblaient avoir déjà des comptes sur Threads à son lancement, parmi lesquelles la chanteuse Shakira, la mannequin Karlie Kloss ou l’acteur Jack Black.
Cette perspective est potentiellement d’autant plus inquiétante pour Twitter que le groupe de San Francisco a vu fondre son chiffre d’affaires publicitaire depuis l’arrivée d’Elon Musk à sa tête. Un exode que n’a pas encore réussi à enrayer la nouvelle directrice générale, Linda Yaccarino, arrivée il y a un mois chez Twitter mais très silencieuse jusqu’ici.
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