Paul Molac (Liot) sur les langues régionales: «La politique menée en France risque de causer une perte culturelle importante»

Paul Molac (Liot) sur les langues régionales: «La politique menée en France risque de causer une perte culturelle importante»
Paul Molac (Liot) sur les langues régionales: «La politique menée en France risque de causer une perte culturelle importante»

ENTRETIEN – Alors que des lycéens manifesteront ce mercredi devant le ministère de l’Éducation nationale pour réclamer une évolution du statut des langues dites minoritaires, le député explique en quoi une révision de la Constitution est nécessaire à leur survie.

Paul Molac est député Liot du Morbihan, co-président du groupe d’études sur les langues et cultures régionales à l’Assemblée, et rapporteur de la loi de 2021, relative à la protection patrimoniale des langues régionales . Cet entretien est extrait du podcast Le moment des mots.

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LE FIGARO. – Après avoir été promulguée, votre loi a été en partie censurée par le Conseil constitutionnel. Les passages sanctionnés concernaient l’«enseignement immersif» en langue régionale et l’utilisation de signes diacritiques comme le tilde dans les actes d’état civil. Trois ans plus tard, où en sommes-nous ? Que votre texte a-t-il changé ?

Paul MOLAC. – Il n’y avait auparavant pas de véritable législation sur les langues régionales. Un des articles fondamentaux de la loi de 2021 dispose que l’État et les collectivités locales sont chargés de la préservation de ce patrimoine immatériel. Jusqu’alors, les politiques en la matière dépendaient du bon vouloir des collectivités. Que cela soit une injonction est tout à fait nouveau. De même, d’après l’article 7 de la loi, l’Éducation nationale doit désormais proposer à tous les élèves de France l’apprentissage de la langue régionale du territoire dans lequel ils habitent. Pour ce faire, et parce que la demande sociale, l’état des langues, ainsi que leur statut, ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre, l’État signe une convention avec les collectivités locales. Au Pays basque, par exemple, un Basque sur deux est capable de parler la langue régionale, alors que c’est beaucoup moins en Occitanie et en Bretagne. Ces données sont prises en compte.

Concrètement, qu’est-il prévu pour qu’un jeune puisse suivre un enseignement dans une langue régionale ?

Le conseil à suivre est de commencer dès la maternelle. Lorsque des parents inscrivent leur enfant dans une classe bilingue, où 50% du temps d’enseignement se fait en français et 50% dans une langue régionale, celle-ci devient à la fois langue de communication et langue d’apprentissage. À la sortie du primaire, il est possible d’intégrer, au collège, des sections dites bilingues, dans lesquelles un certain nombre de matières sont enseignées en français et en langue régionale. En ce qui concerne ces filières au lycée, elles sont encore en pleine construction. Les cohortes les plus importantes sont en maternelle et en primaire. Il faut que trois ou quatre écoles alimentent un collège, puis deux ou trois collèges un lycée. Mais, plus on avance et plus la multiplication des différentes options fait que la structure est compliquée à mettre en place.

Le Conseil constitutionnel est très militant en ce qui concerne les langues régionales. Ses membres ont une vision pareille à celle des pères de la République, pour qui être français revient à respecter une certaine norme linguistique, culturelle, etc.

Paul Molac, député (Liot) du Morbihan

Faut-il, comme l’a proposé le député Nupes Frédéric Maillot, inclure leur apprentissage dans le tronc commun des programmes ?

C’est une bonne idée. D’autant plus que Frédéric Maillot est député de la Réunion, où les gens parlent créole sans pour autant faire de différence entre le français et leur langue. Une fois à l’école, on leur explique qu’ils ne parlent pas correctement le français. Or, ce n’est pas le cas. L’avantage, pour eux, serait d’identifier les deux langues et de ne plus les mélanger.

Dans son discours d’inauguration de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, Emmanuel Macron a affirmé que «chacun a le droit de connaître, parler ou transmettre sa ou ses langues, et que c’est un droit non négociable». Pour qu’il soit appliqué, vous êtes favorable à l’inscription des langues régionales dans l’article 2 de la Constitution. Pourquoi ?

Le Conseil constitutionnel est très militant en ce qui concerne les langues régionales. Ses membres ont une vision pareille à celle des pères de la République, pour qui être français revient à respecter une certaine norme linguistique, culturelle, etc. Mais le Français est aujourd’hui très divers. Et les langues régionales, puisqu’elles sont en usage dans le territoire français, sont françaises. En 2021, le Conseil a censuré l’article de loi relatif à l’enseignement immersif, alors que c’est une méthode qui existe dans tous les pays du monde et que la France la pratique dans ses lycées à l’étranger.

Pourquoi cela serait-il anticonstitutionnel ? Il en est de même pour certains signes diacritiques, comme le tilde (que l’on retrouve dans le prénom Fañch notamment, ndlr) : on le retrouve dans la langue française du XVIIIᵉ siècle. Là encore, cela n’a pas de sens. Il est temps de montrer que le législateur ne voit pas les choses de cette façon. Dès lors, quelle autre solution que d’obliger en inscrivant les langues régionales dans l’article 2 de la Constitution ?

Que répondre à ceux pour qui l’usage des langues régionales est contraire à l’idéal républicain, voire menace l’unité nationale ?

C’est une vision de l’esprit aussi simpliste que celle qui laisse entendre qu’il suffit d’agiter un drapeau tricolore pour être français. Dans notre pays, on veut absolument rapprocher culture et citoyenneté. Or, la citoyenneté, c’est l’exercice de ses droits politiques selon un ensemble de règles définies par l’intermédiaire du vote. Cela n’a rien à voir avec la pratique d’une langue. La France est un pays si divers qu’il est précieux d’avoir une langue unique, qui nous permet de communiquer plus facilement. Mais qu’une langue écrase toutes les autres est intolérable.

Dans notre pays, on veut absolument rapprocher culture et citoyenneté. Or, la citoyenneté, c’est l’exercice de ses droits politiques selon un ensemble de règles définies par l’intermédiaire du vote. Cela n’a rien à voir avec la pratique d’une langue

Paul Molac, député (Liot) du Morbihan

La politique menée en France jusqu’alors risque de causer une perte culturelle importante. Il faut donc faire quelque chose. Et cela n’a rien à voir avec le sentiment national. Prenons l’exemple de la guerre 14-18, durant laquelle peu de Bretons parlaient français, ou du moins le parlaient mal. Cela ne les a pas empêchés de se faire tuer comme tous les autres défenseurs de la patrie.


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