Prigojine, le « cuisinier » du Kremlin devenu « putschiste traître

Prigojine, le « cuisinier » du Kremlin devenu « putschiste traître
Prigojine, le « cuisinier » du Kremlin devenu « putschiste traître

A écouter les dernières vidéos de Evguéni Prigojine, on croirait entendre Alexeï Navalny. Sur la route de sa « rébellion » vers Moscou, le turbulent chef du groupe paramilitaire Wagner, voix conservatrice et nationaliste, a repris des formules chères au leader de l’opposition en prison depuis deux ans, figure nationaliste devenu héros des libéraux. « Nous ne voulons pas que notre pays continue à vivre dans la corruption, le mensonge et la bureaucratie », a expliqué Evguéni Prigojine, reprenant presque mot pour mot un slogan d’Alexeï Navalny.

Dans son allocution télévisée samedi matin, le chef du Kremlin Vladimir Poutine n’a pas cité nommément Evguéni Prigojine, tout comme il ne citait jamais Alexeï Navalny. Il a condamné l’ « aventuriste politique » – expression utilisée contre l’un et l’autre. Et, comme il rejetait jadis les manifestations « extrémistes » de l’avocat anticorruption, il a dénoncé le « putsch miliaire » du chef paramilitaire.

Tous deux sont des « traîtres ». Evguéni Prigojine, pourtant longtemps présenté en proche du Kremlin, a répliqué : « le président s’est lourdement trompé. Nous sommes des patriotes. Nous combattions et nous combattons ».

Remise en cause de « l’opération spéciale »

Depuis des mois, l’impétueux paramilitaire de 62 ans au crâne rasé et aux traits durs vivait dans une lutte de pouvoir avec la hiérarchie militaire, l’accusant d’avoir tiré sur ses troupes dans l’est de l’Ukraine. Mais il s’était toujours gardé de s’en prendre directement à Vladimir Poutine même si, dans une vidéo le 9 mai, jour de la parade militaire sur la place Rouge, il s’est emporté contre « le grand-père » loin des réalités du front. Qui visait-il alors indirectement ?

Dans ses vidéos vendredi soir, il a par contre bel et bien dépassé une ligne rouge : il a expliqué que, contrairement à ce que prétend la propagande du Kremlin, l’armée ukrainienne n’a pas visé les populations civiles du Donbass depuis 2014. De facto, il remet donc en cause l’une des justifications officielles de « l’opération spéciale » de Vladimir Poutine en Ukraine depuis seize mois : mettre fin au « génocide » mené par le pouvoir prétendument « fasciste » de Kiev.

Ancien cuisinier

Le patron de Wagner, qui avait pignon sur rue à Moscou et ouvert un bureau Wagner à Saint-Pétersbourg, intrigue depuis longtemps pour sa surprenante liberté de parole. Rivalités politiques sur fond de tensions militaires ? Ou mise en scène médiatique sur fond de relents populistes ? Invariablement, les politologues répondaient jusque-là : Prigojine est un projet bien orchestré… par le Kremlin.

La carrière du chef paramilitaire ne plaidait pourtant pas pour un tel scénario : avant de grenouiller dans les coulisses du Kremlin, c’était un simple homme d’affaires notamment dans la restauration, « cuisinier » d’abord à Saint-Pétersbourg où il aurait fait connaissance de Vladimir Poutine, puis à Moscou où il aurait suivi son maître dans les cuisines de la présidence.

Evguéni Prigojine est devenu populaire grâce à ses succès militaires en Ukraine. En mai dernier, après des mois de durs et sanglants combats, il a atteint la consécration en revendiquant la prise par Wagner de Bakhmout (est de l’Ukraine), célébrant une rare victoire sur le champ de bataille pour les forces russes.

« Il est connu pour ses succès militaires et son langage cru. Mais, paradoxalement, les Russes ignorent son passé d’oligarque, homme d’affaires ayant bénéficié de ses contacts politiques pour se développer », insiste Andreï Kolesnikov, expert de la fondation Carnegie, l’un des derniers politologues critiques du Kremlin encore présents à Moscou. « Il n’est vu que comme combattant efficace. En fait, lui aussi est sorti des élites et fait partie du système. »

« Un personnage utile »

Pour Andreï Kolesnikov, comme pour d’autres politologues, pas de doute jusque-là. L’ascension soudaine et la liberté de ton politique de l’homme d’affaires milliardaire n’étaient qu’une mise en scène pour capter l’attention d’une opposition de plus en plus forte : la frange nationaliste, en colère par les revers militaires de l’armée et les faiblesses du Kremlin. « Un chef loyal qui fait revenir les voix à la bergerie poutinienne sans menacer le président », résumait Alexeï Venediktov, l’un des rares journalistes critiques du Kremlin encore présents à Moscou.

Dans les faits, personne n’avait vraiment entendu parler d’Evguéni Prigojine avant l’émergence de Wagner, trouble organisation paramilitaire a priori interdite mais déjà active en Afrique et au Moyen-Orient dans l’ombre des terrains d’action militaires de l’armée russe. « Prigojine est à part. C’est sa force : il ne vient d’aucun clan, ne dépend d’aucune chapelle, n’est lié à aucune bureaucratie. Son seul chef : Poutine », explique Alexeï Venediktov.

« C’est avant tout un personnage utile. Utile sur le front au Donbass. Utile en Afrique. Utile pour critiquer l’armée et sa hiérarchie. Son chef le laisse faire. Il ne le contrôle pas pour autant. Pire, il lui a laissé le champ libre. » Avant de prévenir : si un jour, Vladimir Poutine veut que cesse Evguéni Prigojine, maître dans l’art de la provocation et des revirements : « il lui tapera sur les mains et ce sera la fin ».

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