Rome et Tirana ont signé un accord, qui permet de transférer les migrants d’Italie en Albanie.
Signé en 2023, l’accord a pris effet ce lundi 14 octobre avec le transfert d’un premier groupe.
Alors que les deux pays plaident pour une extension de ce modèle dans toute l’UE, les ONG de défense des droits humains s’insurgent.
« C’est une voie nouvelle, courageuse, inédite, mais qui reflète parfaitement l’esprit européen ». La cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni , s’est félicitée ce mardi 15 octobre, au lendemain de la mise en place de son accord controversé sur les migrants avec l’Albanie.
Ce partenariat – vivement critiqué par les ONG – d’une durée de cinq ans, dont le coût pour l’Italie est estimé à 160 millions d’euros par an, a pour objectif d’envoyer les migrants qui arrivent en Italie dans deux centres d’enregistrement en Albanie, où ils pourront faire une demande d’asile. L’Italie et l’Albanie ont proposé d’en étendre le principe à l’échelle européenne avec la création de « hubs de retour ». TF1info résume les principaux points de cet accord.
Qui est concerné ?
L’Italie est depuis de longues années en première ligne des arrivées de migrants en Europe , malgré d’intenses efforts visant à répartir les demandeurs d’asile au sein de l’Union européenne. En transférant les migrants vers un pays non membre de l’UE, Giorgia Meloni espère provoquer un effet dissuasif et réduire le nombre de débarquements en Italie, qui s’élevait en 2023 à environ 158.000. Le gouvernement italien a alloué 65 millions d’euros à la construction des centres, le double du budget prévu.
Ceux concernés sont les migrants interceptés par la marine ou les garde-côtes italiens dans les eaux internationales au sein de la zone de recherche et de sauvetage italienne. Après un premier contrôle, les personnes considérées comme vulnérables par la loi – les mineurs, les femmes, les personnes souffrant de troubles mentaux, ayant été victimes de torture, de violences sexuelles ou de traite d’êtres humains – seront envoyées en Italie. Les autres seront emmenées dans un centre du nord de l’Albanie, au port de Shengjin, pour être identifiées.
Une fois enregistrés, ces hommes seront emmenés dans un second centre situé dans une ancienne base militaire à Gjader, en attendant que leur demande d’asile soit traitée.
Quelles procédures ?
Les migrants seront logés dans des pièces d’environ 12m², au sein de bâtiments préfabriqués entourés de hauts murs et surveillés par la police, qui peuvent abriter jusqu’à 880 personnes. Un bâtiment de 144 places sera lui destiné à ceux dont la demande d’asile aura été refusée et qui risquent un rapatriement. Sur place, une prison pourra accueillir jusqu’à 20 personnes.
Dix écrans géants ont été installés dans un tribunal à Rome pour permettre aux juges de superviser les audiences des demandeurs d’asile qui se tiendront en Albanie. Les migrants communiqueront avec leurs avocats par visioconférence. Les demandes d’asile doivent être approuvées ou rejetées dans un délai de 28 jours. Les personnes qui attendent encore une décision après ce délai seront envoyées en Italie. Un délai qui paraît difficile à tenir au regard de la lenteur des procédures administratives italiennes, régulièrement pointées du doigt pour leur inefficacité.
Polémique autour des droits humains
Selon les termes de l’accord avec l’Albanie, jusqu’à 36.000 migrants peuvent être envoyés chaque année dans ce pays des Balkans, précise Reuters (nouvelle fenêtre). À condition que les migrants proviennent de la liste des pays « sûrs ». L’Italie, qui souhaite envoyer la majorité des migrants en Albanie, a porté à 22 le nombre de pays d’origine considérés comme « sûrs ».
Et Rome considère pouvoir désigner un pays comme « sûr », même si certaines parties de son territoire ne le sont pas. Au contraire, la Cour de justice de l’Union européenne estime, elle, que les États membres de l’UE ne peuvent désigner comme « sûrs » que des pays dans leur ensemble.
L’accord signé entre l’Albanie et l’Italie soulève d’autres problèmes, selon ses détracteurs qui estiment que juger en mer si une personne est vulnérable ou pas risque d’entraîner des violations des droits humains. D’autres se demandent si l’Albanie fournira une protection suffisante aux demandeurs d’asile, même si Rome a assuré que l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) serait sur place en tant qu’observatrice pendant les premiers mois.
Un accord qui pourrait inspirer l’UE ?
Poussée par plusieurs États membres, dont la France et l’Allemagne, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a proposé lundi 14 octobre une nouvelle loi pour faciliter l’expulsion de migrants en situation irrégulière. La Commission veut « rationaliser efficacement le processus de retour ». Actuellement, moins de 20% des décisions d’expulsion de migrants en situation irrégulière sont suivies d’effet dans l’UE.
Ursula von der Leyen a appelé à tirer les « leçons » de l’accord scellé par l’Italie avec l’Albanie. Des discussions jugées « impossibles » au sein de l’UE il y a quelques années, a confié un responsable européen à l’AFP. Mais, depuis, « le débat a évolué », « vers la droite » de l’échiquier politique.
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