Réduire l’insécurité alimentaire en Guinée : le guichet « chocs alimentaires » du FMI
le 20 juin 2024
Les financements d’urgence du FMI ont aidé la Guinée à faire face aux effets des chocs macroéconomiques, grâce à l’engagement des autorités en faveur de la transparence dans l’utilisation de ces fonds
Le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 a provoqué une forte hausse des cours mondiaux des denrées alimentaires et des engrais, exacerbant l’insécurité alimentaire dans de nombreuses régions d’Afrique subsaharienne. La Guinée comptait parmi les pays les plus touchés. Fin 2022, 11 % des Guinéens, soit 1,2 million de personnes, se trouvaient dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë. En décembre 2022, la Guinée a reçu 71 millions de dollars au titre du guichet « chocs alimentaires » de la facilité de crédit rapide du FMI ; cette aide visait à soulager les populations les plus vulnérables, en proie au choc sur les cours des denrées alimentaires.
À peine un an plus tard, la Guinée subissait un choc de plus. En décembre 2023, l’explosion du principal dépôt de carburant à Conakry s’est soldée par des morts, des blessés et des dégâts matériels. Pour aider le pays à se relever, le conseil d’administration du FMI a récemment approuvé une nouvelle aide de 71 millions de dollars au titre du guichet « chocs exogènes » de la facilité de crédit rapide. L’explosion a compromis encore davantage la sécurité alimentaire, en raison des pénuries de carburant et du niveau élevé des coûts de transport.
Eu égard à ces difficultés, nous souhaitons prendre le temps d’examiner les trois manières dont les ressources du guichet « chocs alimentaires » ont aidé la Guinée à faire face aux chocs sur les denrées alimentaires et les engrais ; cet exercice est d’autant plus utile aujourd’hui, à l’heure où la Guinée subit ce nouveau choc.
1. Le guichet « chocs alimentaires » a facilité une riposte ciblée au choc sur les prix.
L’aide d’urgence a été utilisée pour assurer des distributions de nourriture, des achats d’engrais et des transferts monétaires aux populations vulnérables. Les fonds ont été acheminés par le biais du budget de l’État et exécutés par des agences spécialisées.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a utilisé les ressources du guichet « chocs alimentaires » pour fournir une aide alimentaire d’urgence à environ 790 000 personnes vulnérables touchées par la crise. Le PAM estime que son programme de transferts en espèces et en nature, qui a utilisé les fonds du guichet « chocs alimentaires », a eu des effets positifs sur la sécurité alimentaire pendant la période de soudure, notamment par l’amélioration de la consommation parmi les populations concernées. Les programmes d’aide alimentaire aux écoliers ont également contribué à promouvoir la scolarisation des jeunes filles, ce qui peut contribuer à réduire les écarts dans l’éducation entre hommes et femmes, qui limitent la productivité et l’autonomie des femmes.
Une autre organisation qui a aidé à déployer les ressources du guichet « chocs alimentaires », le Fonds de développement agricole (FODA), a atténué l’impact important de la flambée des cours du maïs sur le secteur de la volaille en finançant l’importation de 10 000 tonnes de maïs, qui ont ensuite été vendues à un prix abordable aux opérateurs du secteur. Le Fonds de développement agricole a également acquis 2 500 tonnes de semences de riz et 1 300 tonnes de semences de maïs qui ont été mises à la disposition des agriculteurs par l’entremise des banques de semences dans 35 grands centres agricoles de la Guinée. La distribution en nature de suppléments nutritionnels adaptés à 60 000 enfants âgés de 6 à 59 mois est en cours pour aider à traiter et à prévenir la malnutrition de modérée à aiguë.
L’Agence nationale pour l’inclusion économique et sociale (ANIES) et le Fonds de développement social et de l’indigence (FDSI) sont en train de compléter respectivement des transferts monétaires d’environ 25 millions de dollars et la distribution en nature de bons alimentaires et de soins de santé (environ 6 millions de dollars) en faveur de groupes vulnérables.
2. Les financements du FMI ont permis de réaliser des investissements judicieux pour stimuler la productivité dans le secteur agricole.
Les aides consenties dans le cadre du guichet « chocs alimentaires » ont permis à l’État de subventionner provisoirement le prix d’un sac d’engrais de 50 kg pour le maintenir à 300 000 GNF pendant la saison agricole 2023, contre 500 000 à 700 000 GNF en 2022. L’achat de 32 tracteurs et de 30 moissonneuses-batteuses avec les ressources du guichet « chocs alimentaires » a permis de réduire les pertes post récolte de maïs et de riz, qui sont généralement considérables. De plus, la surveillance en temps réel via les systèmes de localisation par GPS permet d’assurer la meilleure utilisation possible des tracteurs.
Les fonds du guichet « chocs alimentaires » ont également servi à mettre en service la rizerie de Sinko, capable de traiter cent tonnes de riz par jour, contribuant à soutenir la production. Des habitants de 109 villages ont participé à une formation pilote sur la culture du riz Tongil de Corée, qui peut être récolté tous les 3 mois au lieu des 6 mois habituels pour le riz produit localement.
3. Dans l’ensemble, malgré des revers, le taux d’exécution des projets est élevé.
La plupart des activités financées par le guichet « chocs alimentaires » ont été relativement bien exécutées jusqu’à présent, malgré les retards initiaux. Bien que les autorités n’aient transféré les ressources du guichet « chocs alimentaires » au PAM et à d’autres agences spécialisées qu’en mai-juin 2023, la mise en œuvre a été relativement rapide une fois les garanties opérationnelles établies.
À la fin de 2023, le taux d’exécution des activités prévues par le PAM était de 80 %, alors que ceux pour le Fonds de développement agricole et le Fonds de développement social et de l’indigence (FDSI) étaient respectivement de 95 % et 81 %. Cependant, l’explosion du principal dépôt de carburant en décembre 2023 a ralenti la mise en œuvre depuis lors.
Principaux enseignements
L’expérience de la Guinée fait ressortir les options possibles pour répondre de manière durable à l’insécurité alimentaire.
La mise en œuvre des activités financées par le guichet « chocs alimentaires » a mis en évidence les principaux programmes que la Guinée pourrait adopter dans le cadre de sa stratégie nationale pour lutter contre l’insécurité alimentaire, problème qui se pose au pays depuis longtemps. Parmi ces initiatives, on peut citer les programmes nationaux d’aide alimentaire aux écoliers, les fonds renouvelables et les programmes visant à donner plus d’autonomie aux populations locales. L’expérience de la Guinée montre que des programmes ciblés peuvent jouer un rôle absolument décisif dans la réduction de l’insécurité alimentaire, et que de tels programmes devraient continuer à être financés par des ressources budgétaires.
Même si la mise en œuvre a profité de l’avantage comparatif et du savoir-faire du PAM et d’autres organisations, elle aurait pu faire l’objet d’une meilleure coordination, notamment en ce qui concerne le ciblage des bénéficiaires du programme. De plus, les retards initiaux dans la mise en œuvre soulignent la nécessité de mettre en place des structures pour étendre rapidement les dispositifs en cas d’urgence, ainsi que pour renforcer les pratiques de communication de données et de gouvernance.
À l’avenir, le FMI reste déterminé à aider la Guinée à remédier aux vulnérabilités structurelles et à jeter les bases d’une croissance économique durable et d’une prospérité future. Une mise en œuvre transparente et efficace est essentielle pour garantir la bonne utilisation des ressources du FMI. L’exécution de politiques judicieuses reste essentielle pour que le pays puisse développer son potentiel.
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Pilar Garcia Martinez est cheffe de division adjointe, Joseph Ntamatungiro est économiste principal et Nérée Noumon est représentant résident du FMI en Guinée, et tous les trois appartiennent au département Afrique du FMI.
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